Claude Guéant : « Marseille a toujours été frappée par une délinquance de très haut niveau »
19 novembre 2021
A la veille de notre reportage sur l’insécurité qui gangrène la cité phocéenne, Claude Guéant nous a livré sa vision et ses idées pour lutter contre ce phénomène croissant.
Il fut d’abord préfet, directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, secrétaire général de la présidence de la République, puis ministre de l’Intérieur de 2011 à 2012. Projeté au cœur des problématiques régaliennes, Claude Guéant fut considéré comme l’un des membres de l’UMP les plus radicaux, en raison notamment de ses déclarations sur l’immigration, le 4 février 2012 : « Il y a des comportements, qui n’ont pas leur place dans notre pays, non pas parce qu’ils sont étrangers, mais parce que nous ne les jugeons pas conformes à notre vision du monde, à celle, en particulier de la dignité de la femme et de l’homme, a-t-il déclaré. Contrairement à ce que dit l’idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas. »
La même année, au cours d’une visite dans les quartiers nord de la ville, le ministre de l’Intérieur dénonçait un enracinement du grand banditisme à Marseille, « ancré sur les trafics de drogue avec une nouvelle génération de criminels, plus jeunes que dans le passé ». Aujourd’hui, Claude Guéant observe avec la même inquiétude l’enlisement de la cité phocéenne « frappée par cette délinquance de très haut niveau ». Et d’ajouter : « Il y a un lien évident entre l’immigration et la délinquance. »
« J’avais eu l’occasion, en tant que ministre, d’annoncer et de réaliser des renforts d’effectifs… mais cela n’a certainement pas suffi, beaucoup de fonctionnaires cherchent à partir, il faut sans cesse adapter le fonctionnement de la police pour répondre aux mutations de la délinquance », analyse-t-il. Claude Guéant souligne le caractère particulier de cette ville portuaire : possibilités de trafics grâce aux liaisons maritimes, arrivée d’individus « qui tentent leur chance par tous les moyens, y compris celui de la délinquance »…
Trouver des solutions durables
Pour l’ancien ministre de l’Intérieur, le film Bac Nord « décrit de façon très précise la vie des policiers » et illustre le manque de moyens d’action nécessaires des fonctionnaires de police : « Je suis d’accord avec l’opinion des policiers marseillais qui disent qu’ils peuvent aller partout mais pas n’importe quand ni n’importe comment, il faut mettre le paquet et tenir ces terrains. » En 2011, Claude Guéant se rend à Sevran, point névralgique du trafic de cannabis en Île-de-France où des coups de feu ont été tirés près d’une école maternelle. « La lutte sera impitoyable contre les voyous », annonce-t-il. Dans la foulée, des opérations d’interpellation des trafiquants sont organisées et une compagnie républicaine de sécurité est affectée à la ville. Cependant, alors que le ministre émet l’urgence de visiter les barres d’immeubles « de façon exhaustive et systématique » pour régler le problème drastiquement, il se heurte aux refus du procureur de la République et du Garde des sceaux. « Il faut faire les choses, fulmine-t-il. A Marseille, il faut traiter le problème quartier par quartier et immeuble par immeuble, engager fortement les CRS pour tenir le terrain, et si ça doit durer 2 ans, ça durera 2 ans. »
Concernant la drogue, Claude Guéant juge qu’il y a « un problème de discours public », une « ambiguïté » concernant le cannabis. Regrettant les conséquences dramatiques de cette drogue dure, l’ancien ministre dénonce l’entretien de cette confusion entre le cannabis thérapeutique et le cannabis de consommation, provoquant selon lui « un climat qui fait disparaître l’interdit ». « Quand on entend le ministre de la santé dit qu’il envisage la libéralisation de la consommation du cannabis, je ne peux pas m’empêcher de frémir », s’émeut-il.
Interrogé sur ses premières mesures dans l’hypothèse d’un retour au ministère de l’Intérieur, l’ancien locataire de la place Beauvau évoque spontanément trois décisions : « Rouvrir une possibilité pour les fonctionnaires de police de faire des heures supplémentaires programmées, renforcer les compétences judiciaires de la police et renforcer le budget de son équipement qui ne représente presque plus rien. » Il conclut ainsi : « Augmenter les effectifs, ça fait toujours du bien, mais il faut savoir ce qu’on en fait. »
Maud Koffler