Congrès LR : Michel Barnier peut-il l’emporter ?
10 novembre 2021
Provoquant en général plus d’indifférence que d’inquiétude parmi ses adversaires, l’ancien négociateur du Brexit pourrait tout de même créer la surprise chez les Républicains. Même si plusieurs sondages le positionnent encore derrière Xavier Bertrand et Valérie Pécresse.
« Gouverner, ce n’est pas plaire », disait François Mitterrand. Tant mieux ! À 70 ans, l’ancien ministre et négociateur du Brexit, Michel Barnier, s’élance à pas feutrés dans sa première et ultime course à l’élection présidentielle : « J’ai appris que ce que nous ne ferons pas pour notre pays, personne ne le fera à notre place. » Attendu à Orléans pour une réunion publique en présence de plusieurs élus, d’une centaine de personnes et d’une trentaine de chaises vides, Michel Barnier parvient désormais à se légitimer auprès de son public, malgré des discours souvent jugés apathiques.
« Il y a des gens d’un certain âge qui ont des idées neuves, et des gens très jeunes qui ont de vieilles idées ! »
Michel Barnier, à Tours
Ce vendredi 5 novembre, Victor Bonnin, responsable national des Jeunes avec Barnier, se félicite du succès de ses dernières prises de parole publiques, notamment à Cornier (Haute-Savoie), où le candidat (savoyard) est parvenu à faire salle comble. « Nous attendons largement 300 personnes ce soir », assure-t-il en observant une salle clairsemée, la plus grande de la ville, où se serreront finalement une centaine de personnes. Sur la scène, Thierry Perardel, ancien collaborateur parlementaire, installe deux kakemonos à l’effigie de Michel Barnier. Une représentation américanisée du candidat, calquée sur la communication graphique de Barack Obama, en 2017… et reprise trois ans plus tard par le candidat démocrate Joe Biden, un autre outsider.
Candidat providentiel ou bulle médiatique ?
« Il ferait plutôt un bon Premier ministre », murmure-t-on dans les arcanes du parti. Si certains lui reprochent une allure un peu trop classieuse et une attitude légèrement circonspecte, le candidat jouirait désormais d’une cote supérieure à celles de ses adversaires auprès des parlementaires et adhérents LR, en raison, notamment, de sa stature, de sa fidélité au parti – contrairement à Xavier Bertrand et Valérie Pécresse qui avaient respectivement quitté le navire en 2017 et 2019 – et aux valeurs gaullistes auxquelles chacun s’identifie pourtant, selon sa propre charte… Ce mardi 9 novembre, les cinq candidats avaient justement rendez-vous au pied de la croix de Lorraine, à Colombey-les-Deux-Eglises, à l’occasion du 51ème anniversaire de la mort du général de Gaulle. Une banale pellée de terre de plus jetée opportunément dans la tombe du général, pour certains, comme l’évoque Evelyne, une habitante de Colombey : « Ça me fait rigoler, ce jour là, ils sont tous gaullistes ! »

Interrogés ce dimanche dans le quartier de la Muette (Paris) où tractaient cinq jeunes militants du candidat LR, plusieurs passants semblaient convaincus de son engagement : « On est très Macron, nous, mais c’est vrai que Michel Barnier est peut-être le seul qui peut le battre, il a une stature de chef d’Etat. » Un autre homme, la septantaine, assurait même avoir ré-adhéré la veille aux Républicains afin de lui attribuer son vote « pour éviter à tout prix Xavier Bertrand, car si c’est lui, je revote Macron ».
Anciens du RPR, nouveaux Républicains ou visiteurs de courtoisie, à Orléans, le public semblait lui aussi conquis par la prestation du candidat : « On a besoin de son expérience, de sa vision sur l’Europe, d’un homme sérieux qui ne polémique pas. » Même enthousiasme chez les jeunes : « Il est très bon dans le contact humain, il n’est pas arrogant, il a l’expérience pour négocier avec les chefs d’État, c’est important pour ne pas se faire entuber. » Interrogés sur l’engagement des jeunes autour d’Eric Zemmour, l’un d’eux estime que « les propos d’estrade, c’est bien, mais appliquer une politique, c’est autre chose ». Michel Barnier pourrait-il donc séduire la jeunesse républicaine ? Pour cette étudiante de 22 ans, venue assister à son premier meeting, oui : « La politique, c’est important, et je trouve Michel Barnier vraiment convaincant. »
Le 28 octobre, 305 jeunes militants appelaient à voter pour l’ex-négociateur du Brexit, refusant « l’écologie punitive », « l’immigration massive et chaotique », « le laxisme judiciaire », « une éducation délaissée et nivelée par le bas », et réclamant enfin l’incarnation de « cette espérance, cette vision, cette jeunesse qui a soif de retrouver la grandeur de la France ».
« Valérie et Xavier n’ont pas compris ce que je proposais. J’ai encore 3 débats pour clarifier tout cela. »
Michel Barnier (Livre Noir)
A Boulogne-Billancourt, ce mardi, l’équipe peine encore à remplir la salle de 600 places : « Je vais essayer de placer les gens pour éviter cette impression de vide. » Accompagné de la députée des Hauts-de-Seine, Constance Le Grip, du député d’Eure-et-Loire, Olivier Marleix, et de la sénatrice Christine Lavarde, Michel Barnier s’installe tranquillement dans la salle de presse, avec 30 min de retard. Prônant à nouveau l’urgence de rassembler sa famille politique, le candidat recense ces noms dont il espère s’entourer pour « former une seule équipe de campagne », à partir du 4 décembre : « Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau et François Baroin ont renoncé à être candidats, mais ils comptent aujourd’hui et compteront énormément demain. »
« Curieusement, malgré son parcours et son ancrage de plusieurs décennies dans cette famille politique, Michel Barnier apparaît comme un homme neuf », observe Constance Le Grip. Interrogée sur les soutiens du candidat, la députée estime que « Michel Barnier n’est pas dans une tactique marketing qui découperait les électeurs et les Français en tranches : il y a des fillonistes, des juppéistes, des sarkozystes…, ce n’est pas quelqu’un qui drague, c’est quelqu’un qui rassemble. »
Le candidat de la réconciliation
« Nous devons constituer une équipe de France, reconstruire un projet politique, insiste-t-il à Boulogne-Billancourt, ce mardi soir. Les Républicains doivent être capables de rassembler pour offrir une alternative au duo annoncé entre le président sortant et l’extrême droite. » Tel fut le mot d’ordre de la famille LR exprimé lundi soir, au cours du premier débat télévisé qui opposait les cinq candidats au Congrès LR. En amorce, Xavier Bertrand estime ne pas avoir « d’adversaires dans [sa] famille politique », observant « une équipe qui a des différences », mais rappelant, sondages à l’appui, que « le seul qui est au coude-à-coude avec Emmanuel Macron, c’est moi. » Michel Barnier ne voit quant à lui aucune différence majeure entre les candidats, seulement des « divergences ». « Un match amical », selon Constance Le Grip, dont Bruno Retailleau, président du groupe LR du Sénat, saluera la « convergence idéologique ».
« Il n’a pas fait de campagne depuis longtemps et le débat fonctionne à coups de petites phrases et de polémiques, un registre qui n’est pas le sien. Mais il est prêt et a le cuir solide. »
Arnaud Danjean (Paris Match)
A l’issue de ce débat, le baromètre IFOP/Paris Match indiquait hier que Michel Barnier devançait désormais Xavier Bertrand de 2% auprès des sympathisants de droite, soulignant une percée inattendue, alors que 48h plus tôt, 54% des sympathisants Les Républicains estimaient que le président de la région Hauts-de-France était en capacité de remporter l’élection présidentielle, et seulement 26% en faveur de l’ancien négociateur du Brexit.
Mais comment rassembler ? « Nos électeurs ne pardonneraient pas à ceux qui entretiennent le poison de la division« , déclarait François Fillon en mars 2017, au lendemain du rassemblement au Trocadéro. Pondéré, consensuel, monotone… Michel Barnier l’assume et n’entend de toute façon pas mener une campagne « de polémiques, d’agressivité et d’attaques ». Conscient de son manque de popularité, le candidat ne flanche pas : « Il y a une chose que je sais faire : c’est mettre ensemble des gens qui ne viennent pas du même endroit, qui n’ont pas toujours les mêmes idées, pour les faire agir ensemble. Je l’ai fait en Savoie (…) je l’ai fait comme ministre (…) et comme négociateur du Brexit : oui, je sais mettre des gens ensemble. » Rendez-vous le 4 décembre.
Gérard AUZOU
Excellent papier, Maud !
« Pondéré, consensuel, monotone… », portrait fidèle de Michel Barnier, auquel j’ajouterai le manque évident de charisme du candidat au Congrès LR du 4 décembre prochain.
Équation difficile à résoudre pour lui : faire oublier son passé de Commissaire européen – il y a tant à dire sur ce sujet, et pas spécialement du bien… – et de négociateur du Brexit, pour parvenir à convaincre de la sincérité de sa conversion à un patriotisme français exigeant, teinté de souverainisme et d’une touche de contrôle de l’immigration.
Ça peut passer aux yeux des adhérents encartés LR dans trois semaines…
À ceux des électeurs de droite non frappés d’amnésie, c’est beaucoup moins sûr…