Elections législatives : constantes et perspectives
13 juin 2022
À l’issu d’un scrutin législatif marqué par une abstention historique sous le Vème République et d’une soirée riche en soubresauts, retour sur les points cruciaux qui font la spécificité de cette élection.
Sans surprises, la pénétration dans l’atmosphère français de la comète NUPES s’est opérée non sans dégâts. Alors que la majorité et la coalition de gauche se disputent encore aujourd’hui la victoire sur les plateaux de télévisions, la droite et l’extrême droite peinent à mobiliser.
Un découpage géographique révélateur
A Paris, la NUPES réalise des scores phénoménaux. Danielle Obono atteint 57% des voix exprimées dans le 18ème et 19ème arrondissement de Paris, Sophia Chikirou rassemble dans les 11ème et 20ème arrondissement près de 53% du corps électoral.
Les plus médiatiques des candidats de la NUPES à l’image de Sandrine Rousseau, Aymeric Caron ou Danielle Simonnet sont également en passe de remporter certaines circonscriptions de l’intra-muros parisien. Galvanisé, Jean-Luc Mélenchon fulmine du haut de son résultat et fait de sa conférence de presse une adresse spécifique au Président de la République : « Pour la première fois de la Ve République, un président nouvellement élu ne parvient pas à obtenir une majorité à l’élection législative qui suit » il exhortera ce qu’il nomme le « Peuple » à « déferler dimanche prochain, pour rejeter définitivement les projets funestes de la majorité ».
Même constat pour la métropole Lilloise qui place le candidat Quatennens en première position, mais aussi Marseille où la NUPES est en tête dans 4 circonscriptions sur 7. Finalement, les grandes villes sont acquises à la cause mélenchoniste alors qu’à côté, dans cette France qu’on appelle périphérique, le résultat est tout autre.
Le Rassemblement National confirme ses assises
Arrivé en troisième position, le Rassemblement National totalise 18,68% des suffrages exprimés, soit six points de plus que le précédent score réalisé par le parti en 2017. Les observateurs estiment qu’une projection de 20 à 45 sièges ne serait pas inconcevable pour ce parti déjà affaiblit par la désunion des droites.
Le groupe parlementaire, condition sine qua non d’une réelle opposition au Parlement est un principe acquis, car il nécessite au moins 15 députés. Sur les 577 députés de l’hémicycle, les élus RN n’étaient jusque là que 8. Les principaux pontes du partis ont ainsi assuré leur réélection : Louis Alliot à Perpignan, Marine le Pen à Hénin Baumont, Laurent Jacobelli en Moselle, Sebastien Chenu à Denain ou encore le jeune Pierre Thionet dans la Marne : Ils confirment leur ancrage et empiètent même sur de nouvelles terres jusque là recluses dans l’abstention.
A l’issu d’une campagne discrète où l’ancienne présidente du RN souhaitait consolider sa base, le pari des législatives est biaisé par la faible participation des catégories de jeunes actifs et d’abstentionnistes chroniques, dont on connaît le vote-réflexe pour Marine le Pen.
Dans une conférence de presse diffusée ce matin, le Président par Intérim du Rassemblement National Jordan Bardella en a appelé à l’élection d‘« avocats du peuple » pour « confirmer l’enracinement du Rassemblement National dans le paysage». Il ajoute que « Le bloc de gauche et d’extrême gauche recule d’un point par rapport à 2017, le mythe de leur percée doit être démenti »
Ensemble peine à fédérer
Pour les candidats de la majorité présidentielle (Ensemble-Renaissance), c’est une soirée en demi-teinte. Tous les ministres sans exceptions ne sont pas parvenus à se qualifier dès le premier tour. Le sentiment de sérénité qu’ils arboraient durant la campagne a vite été tempéré par la percée de la Nupes dans la majeure partie des circonscriptions. Cette coalition de gauche, Elisabeth Borne (Calvados), Olivier Véran (Isère), Marc Fesneau (Loir-et-Cher) ou encore Amélie de Montchalin (Essonne) auront à l’affronter d’ici dimanche prochain, et rien ne semble jouer d’avance. La course à la majorité absolue n’est finalement pas un sentier si tranquille.
Toutefois, la mécanique du scrutin majoritaire et les possibilités d’élargissements offertes par le duel du second tour font que la coalition des centristes, des libéraux de gauches et des modérés de droites perpétueront une majorité relative. Mais comme toute victoire oblige, Ensemble aura des compte à rendre à ses alliés de circonstances pour éviter toute fronde au sein de son groupe.