France 2022 : une émission politique un peu partiale
10 juin 2022
Dans la soirée du 9 juin dernier, le seul débat d’ampleur national organisé par une chaîne de télévision s’est tenu sous la houlette de Léa Salamé et Laurent Guimier. Il s’est agi de traiter des préoccupations principales des Français, à savoir pouvoir d’achat, avenir pour les retraites et mesures pour la sécurité.
Sagement installés derrière un pupitre, les représentants des groupes politiques qui se disputent les législatives disposaient d’un temps d’expression limité. Ce « crédit de temps de parole » comme le rappelle le journaliste Laurent Guimier est conditionné par les règles d’équités de l’Arcom.
Une organisation calibrée
Elle dépend de trois éléments : les résultats aux élections présidentielles, le poids du groupe parlementaire actuel et la notoriété constatée dans l’espace médiatique. Ainsi, les pontes communistes et écologistes ont bénéficié de leur ancienneté dans le débat public, ce à quoi s’est couplé le résultat de la France Insoumise à la dernière élection. La conjugaison de ces deux facteurs a permis à la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale d’être surreprésentée sur le plateau à l’image de Ian Brossat (PCF), Julien Bayou (EELV) et Adrien Quatennens (LFI). A leur droite, pour le pôle centriste, Isabelle Florennes (Ensemble), Brigitte Fouré (UDI) et Olivier Véran (Renaissance) ont été conviés. Dans le coin à gauche, le spectre droit de la politique française représenté par Charles Consigny (LR), Jordan Bardella (RN) et enfin Guillaume Peltier (Reconquête).
L’imbroglio du pouvoir d’achat
Les marottes classiques se sont directement invitées à la table des festivités. Adrien Quatennens, député insoumis des Hauts de France ouvrira le bal. Il fustige de prime abord les bénéfices pharamineux de Total alors que l’Etat « Vous M. Véran, prenez sur le trésor public pour aller financer la rente privée ». Première suggestion : « il faut bloquer les prix et empêchez les fournisseurs de se gaver ».
Ce à quoi Olivier Véran, seul représentant majeur de l’exécutif, s’exclamera. « Vous vivez dans un monde où la France serait exclue du marché mondialisé, vous vivez dans la caricature ». Tiraillé et interrompu de toute part, le candidat à la députation de l’Isère s’enfoncera rapidement dans un rappel énuméré des mesures prises par le gouvernement ces cinq dernières années. « Olivier Véran ce n’est pas un meeting » coupera Léa Salamé pour céder la parole aux autres invités, plus ou moins impatients de se faire une place dans le débat.
L’ancien ministre de la Santé et des Solidarités sera au centre des attaques, qu’elles émanent de la Nupes ou des formations de droite. « La France est redevenu le pays de l’emploi et de l’industrie, le premier pays où les étrangers investissent ( …) ce que propose la Nupes entraînerait l’explosion de la dépense publique et donc la taxation toujours plus folle des français ».
« Entre la salle de marché et le Venezuela il y a un équilibre » tranchera Jordan Bardella, rappelant dans la foulée les mesures déployées par le Rassemblement National pour lutter contre la spirale inflationniste. Au premier chef : panier de produits de première nécessité exempté de TVA, réindexation des pensions de retraites, création du Fond Souverain Français pour booster l’investissement local…
La sécurité : Deus ex-machina de la soirée
Le sujet de la sécurité a été le théâtre d’une bataille rangée entre Jordan Bardella, affûté sur ces problématiques, et les représentants de la Nupes : Julien Bayou et Ian Brossat au premier chef. Comme ce sujet inquiète les Français de façon croissante ces dernières années, les représentants de la gauche, d’ordinaire mal à l’aise et peu documentés, ont été contraints de l’aborder.
La première passe d’arme a concerné la gestion de la violence dans les rues. Jordan Bardella arguera qu’ « Il n’y a plus un seul endroit en France où nos compatriotes ne sont pas à l’abris (…) la quasi-totalité des agressions de rue sont commises par les mêmes ». D’un constat général, il le confirmera par les statistiques du Ministère de l’Intérieur selon lesquelles « 90% des vols à l’arraché sont commis par des étrangers» ou encore que « 63 % des viols et agressions sexuelles commises dans les transports d’Île de France sont également le fait d’étrangers ».
Pour le président d’EELV, ce n’est pas envisageable. « Il n’est pas possible de faire un lien entre immigration et insécurité, la sécurité est un sujet sérieux » assène-t-il à Jordan Bardella tout en soulignant que les « statistiques ethniques n’existent pas en France ». Curieuse sortie pour un homme de gauche que de confondre nationalité et ethnicité. « Nous nous habituons à l’ensauvagement de notre société et vous le niez » répondra férocement le jeune président Bardella à Julien Bayou qui refusait d’abonder le constat statistique du président par intérim du Rassemblement National. Il confirmera son propos par ce florilège : « tous les jours 1300 agressions gratuites par jours, 150 attaques au couteau, 280 viols et tentatives de viols sont constatés. Qu’en faites vous ? »
Tentant de soutenir son alter-ego insoumis, le communiste Brossat développa vainement une rhétorique classique de la gauche selon laquelle l’exclusion sociale mènerait à la délinquance. Outré et jusque là silencieux, Guillaume Peltier s’exclamera que « lier la délinquance et la pauvreté, c’est une insulte pour les gens qui vivent dans les quartiers défavorisés, et j’en viens ! »
Un dialogue de sourd
Le sujet sera clos avec la récente affaire de Barbès-Rochechouart qui a déchaîné les passions de chacun et camper les positions. « Je m’étonne que les formations politiques profitent des drames humains sordides pour les exploiter » s’émouvra Olivier Véran. Le député Quatennens confirmera la prise de position de son camarade Mélenchon selon laquelle « la police tue ». Galvanisé, Jordan Bardella reprendra la parole : « Les policiers ne sont pas des cow boys, ce sont des pères et des mères de famille (…) quand ils rentrent ils ont la peur au ventre, ils ont tous en tête l’attentat de Magnanville, de Viry-Chatillon ! ».
S’échangeant les invectives gratuites, les basses caricatures et parfois quelques blagues, les lieutenants des principales formations politiques françaises concluent l’émission, pressés par la minuterie de leur pupitre.