Immigration

Grand Remplacement : l’omerta sur un constat travesti en « théorie »

21 février 2022
Erci Zemmour au Mont-Saint-Michel. Crédits photo : Laurie de Reynal / Livre Noir
Temps de lecture : 9 minutes

Fantasme pour les uns, constat pour les autres, le grand remplacement est devenu un incontournable de cette campagne présidentielle. Près d’une décennie après sa formulation, il est présenté par les commentateurs médiatiques comme une théorie d’extrême-droite, raciste et complotiste. Qu’en est-il réellement ?

Il inquiète un Français sur deux, mais l’évocation de son nom a été prétexte à procès et mort sociale pendant douze années. Il aura fallu attendre l’entrée en campagne d’Éric Zemmour en octobre dernier pour que la notion de grand remplacement trouve sa place au cœur du débat public. La réhabilitation du concept formulé en 2010 par l’écrivain Renaud Camus n’a pas manqué de faire réagir les médias férus du « débunkage » dans une large croisade contre les « fake news ». Alors, on l’entend régulièrement à la télévision : le grand remplacement est une notion xénophobe d’extrême-droite. Sur YouTube, toute vidéo évoquant le sujet est affublée d’un inhabituel encadré préventif renvoyant aux premières lignes de la page Wikipédia qui lui est consacrée. L’avertissement ne saurait être plus clair : le grand remplacement est une « théorie conspirationniste », « d'extrême-droite », « xénophobe et raciste », aux origines « antisémites » et se prolongeant dans le « néonazisme ».

Pourtant, en 2013, l’encyclopédie en ligne s'en tenait à une définition sobre : « Le grand remplacement, concept introduit par Renaud Camus en 2010, désigne en premier lieu le remplacement des populations européennes par des populations d'origine maghrébine et subsaharienne, sous l'effet de l'immigration légale et illégale. » Sous-titrée depuis « théorie du complot sur un changement démographique de la France et de l'Europe », la page a connu une lente dérive vers la désinformation. Au fil des ajouts et modifications par les contributeurs, le « concept » s'est changé en « théorie », à laquelle sont greffés successivement, de 2018 à 2021, des épithètes toujours plus disqualifiants.

Une notion d’extrême-droite ?

L’irruption soudaine du grand remplacement dans le débat présidentiel a fait l’effet d’une boule dans un jeu de quilles. Devant se positionner face à une thématique inédite au passif polémique, les acteurs politiques se posent la question : le grand remplacement est-il une notion d’extrême-droite ? Rien n’est moins sûr – il ne semble pas même être l’apanage de la droite. Certes, la gauche dite « classique » persiste à nier son existence et refuse le débat qui en découle. Pourtant, l’écrivain et économiste Jacques Attali surprenait récemment par sa reconnaissance du concept : « Le grand remplacement est une réalité de la vie, des peuples, des cultures, des langues », écrivait-il sur Twitter la semaine passée. Au terme de « remplacement », Jean-Luc Mélenchon, pour sa part, préfère celui de « créolisation », embrassant le concept repensé par l’écrivain Edouard Glissant. Les mots changent ; le constat d’un bouleversement démographique et culturel demeure.

Au centre et à droite, la reprise du concept renaud-camusien n’est pas plus aisée. Si le camp néolibéral d’Emmanuel Macron se montre plutôt silencieux à son égard, la droite libérale-conservatrice tente de se positionner… sans savoir sur quel pied danser. Partagée entre la demande de son électorat et la nécessité de se démarquer de ses adversaires droitiers, Valérie Pécresse n’a de cesse de changer de regard sur le concept. Et d’être accusée, par sa gauche, d’ambiguïté et de complicité avec l’extrême-droite ; par sa droite, de fauter par inconstance en se pliant aux injonctions bien-pensantes. « Nous ne sommes condamnés ni au grand déclassement, ni au grand remplacement », assurait-elle en novembre dernier, avalisant un constat très zemmourien. Bis

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