Immigration : le privilège algérien
22 mars 2022
Depuis la signature des Accords d’Évian, dont nous fêtons le soixantième anniversaire cette année, les citoyens algériens bénéficient toujours d’un régime dérogatoire pour immigrer en France.
Samedi 19 mars se tenait, à l’occasion du soixantième anniversaire des Accords d’Évian et du cessez-le-feu en Algérie, une cérémonie à l’Élysée. L’occasion pour le Président de la République d’aller dans un sens d’un « apaisement » mémoriel. « Ce parcours de reconnaissance que nous allons poursuivre, car il est maintenant inarrêtable, est simplement la condition pour nous tous de ne rien oublier, de ne rien nier du caractère irréductible des souffrances, des douleurs de ce qui a été vécu, mais d’assumer qu’elles sont toutes françaises, parce que la guerre d’Algérie, ses non-dits, étaient devenus la matrice des ressentiments » déclarait-il. Vaines paroles. La main tendue est toujours française. Aucun responsable algérien n’était d’ailleurs présent lors des commémorations. L’Algérie ne reconnaîtra pas de sitôt les morts causées par les terroristes du FLN et les enlèvements de civils européens au lendemain des Accords d’Évian. Depuis leurs signatures, la France a conservé le statut particulier des citoyens algériens souhaitant immigrer en France. Mais aujourd’hui, quelle est la réalité de cette immigration, soixante après la guerre d’Algérie ?
La difficile intégration des Algériens en France
Les chiffres sont édifiants. L’Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID) rappelle les chiffres de l’INSEE : « Les Algériens constituent la première cohorte immigrée (personnes nées étrangères à l’étranger) de France en 2019, avec 846 000 personnes ». Ce n’est pas tout, sur les 7,6 millions de personnes nées en France et dont un parent est immigré (personne née étrangère à l’étrangère), 1,2 million avaient des origines algériennes. Enfin, selon les chiffres de Michèle Tribalat, 563.000 petits enfants d’immigrés algériens vivaient sur le territoire français en 2011. Un nombre que l’OID estime « sans doute augmenté depuis dix ans ».

Observatoire de l’immigration et de la démographie
Ainsi, la diaspora algérienne est en constante augmentation. En 2019, la diaspora algérienne représente 2,6 millions de personnes, estimation a minima selon l’OID. Un nombre qui ne facilite pas l’intégration des populations en âge d’être actives. Toujours selon l’Observatoire, la nationalité algérienne est la plus représentée dans les prisons françaises, et « 41,7% des Algériens de plus de 15 ans vivant en France étaient chômeurs ou inactifs (ni en emploi, ni en études, ni en retraite) en 2016, soit un taux trois fois plus élevé que celui des Français (14,2%) ». Encore plus frappant, 24% des 20-35 ans, enfants d’immigrés algériens, n’étaient pas diplômés au-delà du brevet en 2008.
Des raisons historiques profondes
L’histoire de l’immigration algérienne en France débute réellement au lendemain de la Second guerre mondiale. Dans un rapport sur la question, l’Observatoire de l’immigration et de la démographie cite les chiffres rapportés par l’historien Daniel Lefeuvre dans son ouvrage Pour en finir avec la repentance coloniale. Celui-ci indique que le nombre d’immigrés algériens n’a fait qu’augmenter depuis 1946. Entre 1946 et 1954, le nombre d’Algériens présents sur le sol français est multiplié par dix passant de 22.000 à 210.000. En 1962, au soir de la guerre d’Algérie, 436.000 Algériens se trouvent sur le sol français. 720.000 immigrés algériens vivaient en France en 1972, soit 65% de plus que dix ans auparavant.
Si l’immigration est principalement de travail, les immigrés algériens bénéficient de statuts privilégiés. Un accord franco-algérien signé le 27 décembre 1968, prévoit une démarche facilité de droit de circulation et de séjour en France. Ainsi, « sauf décision de justice, tout Algérien muni d’une carte d’identité est libre de circuler entre l’Algérie et la France » et « les ressortissants algériens résidant en France, et notamment les travailleurs, auront les mêmes droits que les nationaux français, à l’exception des droits politiques » est-il écrit. Malheureusement, les autorités algériennes ne ce sont pas données autant de peine à respecter ces accords et furent bien moins accommodantes pour les Français d’Algérie.

Julien Tellier
Journaliste pour Livre Noir