Les Français peuvent-ils se raccrocher à une lueur d’espoir concernant la protection de leur première liberté qu’est la sécurité ?
Je ne crois pas. Et l'augmentation constante des systèmes de sécurité, ainsi que du nombre d'effectifs de policiers et gendarmes, n'y changera rien. Le problème est qu'une partie de la population, délinquante ou criminelle, n'a pas intégré les règles de sociétés, faute de niveau d'éducation suffisant ou de références culturelles. Résultat : les limites ne sont plus intérieures, dans la rigueur morale et la bonne éducation, mais extérieures, dans les effectifs déployés, les caméras de surveillances et les cadenas.
Notre existence toute entière est cadenassée. Ceci prouve que la France n'a pas encore trouvé l'équilibre entre ordre et liberté, ou plutôt que l'équilibre que nous avions trouvé après la Seconde Guerre mondiale a été détruit. D'un côté un excès d'ordre empêche les individus de vivre une vie libre et heureuse, mais d'un autre côté un excès de liberté entraîne de trop nombreux désordres qui, eux-mêmes, empêchent les individus de vivre libre et heureux. Je crois que nous nous trouvons actuellement dans le deuxième cas de figure. Et l'épouvantail du fascisme constamment agité par la gauche nous y maintient, d'année en année.
Les dernières semaines ont été chargées en matière d’insécurité. Viol à Cherbourg, agression au couteau à Toulouse, meurtre à Grenoble… Pourquoi une écrasante majorité des médias ne traitent pas de ces sujets ?
Le choix du traitement de l'actualité par les médias est lié à trois facteurs principaux : leur couleur politique (droite ou gauche), leur auditoire (national ou local) et leur format (information en continu, quotidienne ou hebdomadaire, etc.). Les faits divers liés à l'insécurité quotidienne (délinquance et crimes) sont principalement traités par la presse locale, les chaînes d'infos en continu et par les médias de droite, pour qui la sécurité quotidienne est une préoccupation première. Ils sont en revanche sous-traités par les médias de gauche qui refusent de voir l'insécurité comme un phénomène de société, et qui les perçoit par conséquent comme des faits strictement isolés contre lesquels on ne peut rien, sinon s'indigner bêtement, et faire monter la droite.
Dans le fond, il est tout à fait normal et sain que la presse de droite et la presse de gauche aient chacune leurs sujets de préoccupation. Il y a assez de sujets pour tout le monde. Les uns parlent des discriminations, d'enrichissement, d'écologie, des méfaits du capitalisme, ou du sexisme, tandis que les autres parlent d'économie, de patrimoine, d'histoire, d'immigration, d'identité et de sécurité. Et ainsi, les deux se complètent.
Ce qui est plus embêtant, c'est que d'une part les médias de gauche, qui sont majoritaires, veulent faire croire qu'ils incarnent l'objectivité et le Journalisme (avec un immense j majuscule, grand comme leur égo) ; et d'une autre part que ces mêmes médias de gauche sont très habiles dans l'art de dénoncer le traitement médiatique de ces faits divers par la presse de droite, comme ce fut le cas pour l'affaire Lola. D'une façon incroyable, l'affaire Lola est en train d'être réécrite sous nos yeux par les médias de gauche, pour n'en faire qu'une affaire d'instrumentalisation politique. Le crime en lui-même, et le profil de la tueuse présumée, est devenu (dans leur récit) tout à fait secondaire. Ce n'est plus qu'un fragment de l'affaire. Une affaire dans l'affaire.
Dans les faits, tous les morts ne se valent pas à en croire le mutisme de certains médias. Comment expliquer une telle situation ?
Je vais me permettre de reprendre ma dualité droite/gauche, en la nuançant sur ce point. En réalité, les médias de gauche, comme les médias de droite, sont très friands de faits divers. Et comme les médias de droite aussi, les médias de gauche ne cessent de faire des liens entre ces affaires pour tenter d'y voir des phénomènes de société (ce qui est bien normal). Mais ceci, à la condition que ces faits divers aillent dans le sens de leurs préjugés et traitent par exemple du racisme (si la victime est originaire d'Afrique et que le coupable est un blanc, et pire, un catholique pratiquant), de sexisme (mais uniquement si c'est un homme qui s'en prend à une femme) ou de violences politiques (mais seulement si ce sont des militants d'extrême qui s'en prennent à des militants d'extrême-gauche, qui d'ailleurs ne sont jamais définis comme tels).
Si les faits divers liés à l'insécurité n'intéressent pas la presse de gauche, dans leur ensemble, c'est tout simplement parce qu'une bonne partie de ces faits divers font mentir leur utopie politique d'une France métissée, multiculturelle et heureuse, où le dernier bastion de violence serait le fait de l'extrême droite raciste et haineuse envers les immigrés. La réalité est aux antipodes de cela... ce qui n'empêche pas Libération (qui croit faire du Journalisme avec une immense majuscule) de faire des Unes lunaires et complètement fantasmées sur les violences liées à l'extrême droite.
Une grande majorité de Français éprouve de la confiance et de la sympathie à l’égard de la police et pourtant, l’extrême gauche qui a pour but de gouverner notre pays n’a de cesse de proférer des vindictes en leur direction. Pourquoi cette frange politique s’est-elle positionnée ainsi envers les policiers ?
La défiance, voire la haine, de l'extrême gauche envers la police a commencé bien avant la naissance de La France Insoumise. L'extrême gauche n'est pas fondamentalement contre la police d'ailleurs, et chaque fois qu'elle est arrivée au pouvoir, elle a su en faire un usage musclé. Mais l'extrême-gauche, aujourd'hui en France, voudrait que la police partage ces idéaux politiques et ne s'attaque, comme la presse de gauche, qu'à certains crimes et délits : à la corruption en politique, aux « riches » qui ne payent (jamais) assez d'impôts, aux préjugés nichés dans les inconscients « nauséabonds » des Français normaux, aux hommes négligents qui ne prennent pas leur part de charge mentale dans la cuisine, aux islamophobes qui refusent de voir la France s'islamiser, etc.
Sauf que la police fait appliquer la loi, elle-même votée par un système politique qui n'est pas d'extrême gauche, et que la police n'a pas vocation à épargner les casseurs qui scandent des slogans d'extrême gauche en brisant des vitrines, les émeutiers qui crient leur haine de la France ou les mineurs isolés à la dérive qui volent les touristes au Trocadéro. Au fond, si l'extrême gauche n'aime pas la police, c'est parce que l'action de la police la renvoie à la réalité de la criminalité et de la délinquance en France ; réalité que l'extrême gauche ne veut pas voir, parce qu'elle met en échec son système de perception du monde.
Après l’affaire Lola, pensez-vous que le ministre de l’Intérieur a mesuré l’impact de la non- exécution des OQTF ?
Je crois que le ministre de l'Intérieur fait tout son possible pour augmenter le nombre d'exécution des OQTF, et qu'il est allé au bout de ce qu'il pouvait faire dans un gouvernement macroniste. Je crois même qu'il est allé au delà de ces limites pour certaines de ses déclarations sur l'immigration ou sur la police. En revanche, régulariser les étrangers clandestins via un titre de séjour « métiers en tension », comme c'est prévu dans le projet de loi asile et immigration, est une grosse erreur, parce que cette mesure laisse à penser que la France ne peut se passer des immigrés, y compris clandestins, et qu'elle récompense le travail clandestin. Avec cette mesure, la France va inciter d'autres étrangers à tenter leur chance de façon clandestine, inévitablement.
Une exécution des OQTF à hauteur de 100% est-ce concrètement possible ?
Non. Mais le problème n'est pas tant l'exécution des OQTF, qui ne sont qu'une lointaine conséquence administrative du laxisme migratoire, que le contrôle des frontières et des visas. L'idéal serait de n'avoir plus à émettre d'OQTF, en empêchant les étrangers clandestins de franchir nos frontières et en réduisant l'octroi de visas de courtes de durées (particulièrement pour les étrangers en provenance des pays du Maghreb).
Le système actuel empêche-t-il les policiers de protéger nos compatriotes ?
Du fait de ma spécialité (police/justice), je rencontre très régulièrement des policiers. Une partie d'entre eux sont effectivement découragés, voire dégoûtés, par la lourdeur des procédures administratives et judiciaires auxquelles ils font face. Et, sachant que certaines procédures ont trop peu de chance d'aboutir, transmettent ce découragement aux victimes en leur disant de ne pas porter plainte pour certains faits. Ce qui est un tort. Mais c'est aussi une manière de faire preuve de transparence envers les victimes, puisqu'ils savent d'expérience que certaines plaintes iront sous la pile et ne seront donc jamais traitées. Là encore, la solution ne se trouve pas dans la police, ni la justice, ni-même dans aucun ministère. C'est un problème de population et de niveau d'éducation. Si les commissariats croulent et les tribunaux croulent sous les affaires, c'est parce qu'il y a plus de conflits et d'actes répréhensibles.
C'est aussi peut-être un problème de méthode. Beaucoup de policiers que je rencontre, et qui ont plus de dix ans d'expérience, sont nostalgiques des méthodes qu'ils ont connu au début de leur carrière avec les anciens, et qu'ils appellent « la police de Papa ». A les croire, à l'époque, la police se permettait des modes d'action directs, en dehors de toute procédure, afin de ramener l'ordre plus rapidement et de donner, au passage, une petite leçon.
Un exemple : des jeunes gens de quinze à dix-huit ans font du bruit, fument du shit et insultes les habitants d'un immeuble dont ils squattent les parties communes. Les policiers arrivaient, leur passaient un savon, tant verbalement que physiquement (une ou deux claques), puis on n’en parlait plus. Les habitants étaient contents, les policiers n'avaient pas perdu de temps et les jeunes gens s'en tiraient avec une leçon (qui aurait pu/dû leur être donné par leurs parents), sans se retrouver devant un juge puisque l'affaire n'était pas judiciarisée. Et, le plus souvent, ils ne recommençaient pas.
Aujourd'hui, alors que les policiers ne peuvent plus s'autoriser ce genre d'écarts, les problèmes s'enlisent dans des procédures longues et souvent infructueuses, et sapent du même coup l'autorité des policiers. Pour reprendre l'exemple précédemment cité, les mêmes jeunes gens se verraient dressés une contravention, qu'ils ne paieraient pas, reviendraient pour taguer les murs et insulter les policiers, voire agresser les habitants, iraient probablement en garde-à-vue, seraient relâchés parce que mineurs, et finiraient un an plus tard devant le juge pour enfant qui leur infligerait une légère sanction. Au fond, à force d'avoir judiciarisé les échanges et complexifié les procédures, on a enrayé le système.