Xavier Driencourt, vous avez été ambassadeur de France en Algérie à deux reprises au cours de votre carrière. David Lisnard, vous êtes maire de Cannes et président de l’Association des Maires de France. Nous avons donc, d’un côté, un homme politique, ancré sur les problématiques locales, au contact des Français, et de l’autre un serviteur de l’État.
Vous avez tous deux suivi de près les récentes émeutes qui ont frappé la France. Pensez-vous qu’il existe une partition au sein de la population française, entre ceux que l’on pourrait qualifier de Français de longue date et des immigrés, souvent issus du Maghreb ou d’Afrique, qui refusent l’assimilation ?
David Lisnard : Il y a manifestement une partition, qui avait été annoncée, et depuis constatée. Ce constat dépasse les clivages politiques. On se souvient de la formule de l’ancien ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, qui venait de la gauche : « Nous ne vivrons plus côte à côte, mais face à face ». Cette phrase était juste.
Lorsqu’on brûle 240 écoles, des mairies, des drapeaux français, c’est une partition. Même sous la Révolution, on ne brûlait pas les écoles. On a déjà eu des partitions, mais différentes, entre prolétaires et bourgeois. Or, là, il s’agit d’une partition qui renvoie à une détestation de ce qui pouvait réunir auparavant et dépasser les clivages sociaux, c'est-à-dire la Nation. Mais, parallèlement, des contre-exemples d’assimilation existent. Il faut s’y rattacher. Après avoir tiré la sonnette d’alarme, il est nécessaire de corriger cette situation. C’est de l’intérêt de tous d’avoir une nation soudée.
Xavier Driencourt : La question de l’intégration est une question essentielle. Ce qui m’a frappé, lors des récentes émeutes, c’est que nous avons vu qu’il existe un vrai contraste entre les différentes générations d’immigrés. Il y a eu, dans les années 30 et 50, des travailleurs algériens qui cherchaient à être les plus discrets possibles. Ils cherchaient à s’intégrer le mieux possible. Le problème avec les membres de la dernière génération, d’origine maghrébine, est que quand ces derniers retournent en Algérie, ils ne sont pas considérés comme algériens. Ils sont rejetés par leur famille et leur village. D’un autre côté, quand ils sont en France, ils ont le sentiment d’être rejetés par la population française et ils revendiquent alors leurs origines. Il s’agit d’une recherche d’identité à laquelle nous n’avons pas su répondre.
DL : Tout à fait, en Algérie, ces Français d’origines algériennes sont appelés les immigrés. Sans idéaliser le passé, car il y a eu du racisme, et il y en a encore qui doit être évidemment totalement combattu, il faut être lucide sur le danger de cette nouvelle conscience victimaire. Il y a des professionnels de la victimisation qui utilisent et instrumentalisent ces populations, c’est ceux que l’on nomme les wokistes. On les retrouve à l’extrême gauche, par clientélisme électoral. Ils agissent par idéologie anti-système. Auparavant c'était : « Prolétaires du monde entier, unissez-vous ». Désormais, ce sont les immigrés qui, automatiquement, deviennent des victimes. Je déteste ce système qui met des individus dans des cases. Il joue un rôle de partition malsaine.
Cette culture de victimisation, ce discours indigéniste, ces anachronismes et ce révisionnisme historique sont le fruit d’analyses fallacieuses et idéologiques anti-Occident. Or, l’esclavagisme fut planétaire. Même Libération a fait un papier sur le racisme anti-noir au Maghreb et sur la tradition esclavagiste qui y a cours depuis le VIIᵉ siècle. Ceux qui instrumentalisent l’esclavagisme pour en faire une exclusivité européenne mentent dangereusement. Ils donnent un prêt-à-penser facile de victime, jouent avec le feu. Ils pensent instrumentaliser une partie des immigrés, mais, ils sont eux-mêmes, souvent, instrumentalisés par des réseaux beaucoup plus organisés qu’eux :
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