La gauche a-t-elle le monopole de la jeunesse ?
22 juin 2022
Dans une envolée anaphorique scandée sur le plateau de BFMTV, le tout jeune député Nupes Louis Boyard a plaidé la cause de la jeunesse. Pour le mandat qui lui a été confié, l’élu du Val-de-Marne compte faire des problématiques de la jeunesse son principal cheval de bataille. Qu’en est-il néanmoins de la réalité électorale ?
La Nupes exhortait la « jeunesse à se bouger », l’appel n’a peut-être pas été suffisamment retransmis sur les ondes car plus de 70% des moins de 35 ans ne se sont pas déplacés aux urnes dimanche dernier. Coup dur pour la coalition fraîchement fragmentée, qui revendique dans le discours davantage qu’elle ne concrétise dans les urnes.
Le vote des villes leur donne raison
Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé, Sandrine Rousseau et Adrien Quatennens qui ont martelé au fil des plateaux de télévisions que la jeunesse devait soutenir les candidats de la coalition de gauche. Jean-Luc Mélenchon aura le dernier mot au micro de France Bleu : « Je fais la grosse voix pour dire : c’est bon à la fin, occupez-vous de vos affaires, votez ».
Ce à quoi l’inénarrable Sandrine Rousseau ajoutera sur les réseaux sociaux : « Soyons honnêtes, c’est un peu pour vous qu’on fait de la politique et qu’on veut changer le monde ». Changer le monde, vaste projet pour une jeunesse aux intérêts pluriels. Vêtu de son bleu de travail, celle qui a totalisé 58,05% des voix dans la très chic 9ème circonscription de Paris a profité d’une sociologie largement acquise à ses causes. En 2017, Jean-Luc Mélenchon y réalisait 36,4% des suffrages, devant Yannick Jadot et Emmanuel Macron.
Ses camarades Caron, Simonnet, Bayou, élus haut-la-main dans des circonscriptions aisées de l’intra-muros parisien, devraient prêter une oreille attentive aux aspirations profondes de la jeunesse : au premier chef le travail et le pouvoir d’achat, ensuite la préservation de l’environnement et enfin la sécurité dans l’espace public.
Sur le plan électoral, les plus mobilisés d’entre eux appartiennent à des catégories socioprofessionnelles favorisées, le cas échéant, aux sphères les plus instruites de la population. L’illustration la plus probante s’observe lors des manifestations pour le climat, contre les violences policières et le racisme, au cours desquelles des foules de jeunes urbains défilent, galvanisés par leur naissants engagements. Comme Louis Boyard se plaît à nous l’indiquer : « Il y a une rupture générationnelle » grâce à laquelle « le projet porté par la Nupes peut se valoir novateur ». L’intérêt de la jeunesse se trouveraient, selon lui, dans des revendications bien segmentées : « le climat, les questions de genre et de racisme, la brutalité policière pour ne citer qu’elles.
Le pari a été fructueux. Dans les banlieues, les jeunes ont massivement porté les candidats de la Nupes. Selon un rapport de la fondation Jean Jaurès, 69% des confessionnaires musulmans ont voté pour Jean-Luc Mélenchon lors des élections présidentielles du fait « d’un sentiment de proximité et de reconnaissance ». Face à un Zemmour tonitruant et une Le Pen intransigeante, Mélenchon a fait de la problématique de l’islamophobie un argument de campagne. Ce vote aux allures communautaires s’est couplé au vote des jeunes éduqués urbains. Cette alliance révèle alors une collusions d’intérêts entre la bourgeoisie des villes et le prolétariat des grands ensembles, excluant de fait la jeunesse de la Fance périphérique. Ceux-ci, s’ils ne se sont pas réfugiés dans le camp de l’abstention, font le choix du Rassemblement National.
La grande illusion de la gauche
Attachée aux problématiques de la France périphérique, son parti a fait de la jeunesse une proie électoral essentielle qu’il faut capter. A l’image de son jeune lieutenant Jordan Bardella, une myriade de jeunes députés se sont lancés dans la course à la législative, enclin à porter la voix d’une France des oubliés.
Lors de son adresse à la jeunesse du 1er mai dernier, Marine le Pen appelait de ses vœux « l’optimisme et le renouveau » dont les jeunes générations devaient faire preuve. Ses scores soutiennent en effet les propositions. Chez les jeunes actifs (23% dans la tranche 25-34 ans), elle a réalisé ses plus belles performances électorales. Propulsé dans un marché du travail de plus en plus concurrentiel, vulnérables au fléau l’insécurité dans l’espace public et sensibles à l’imaginaire de l’accès à la propriété : le programme du RN semblait taillé sur mesure.
Pierrick Berteloot, Bryan Masson et Julien Rancoule incarnent ce renouvellement de nature dans les chambres parlementaires. Non content d’avoir fait un choix de vie impétueux et contraignant, ils ont poussé le bouchon en s’engageant pour un parti stigmatisé. Face à ces attaques ils rétorquent sereinement qu’ils ont rejoint « le parti pour ce qu’il est aujourd’hui, pas pour celui qu’il était hier, pour les idées de Marine le Pen ».
La réserve de voix dont pourrait bénéficier le RN lors des prochaines élections ne se situeraient donc pas dans les bassins métropolitains. Selon une note de l’Insee, trente grandes villes totalisent les populations allant des 18-24 ans au 25-34 ans. Cette géographie se décomposent en 4 grandes aires : Le nord de la France, de Dieppe à Thionville en passant par Amiens, la grande couronne parisienne, le bassin lyonnais et les environs toulousains. Alors que les aspirations fragmentées des jeunes, actifs ou étudiants, ruraux ou urbains, aisés ou défavorisés ont du mal à se traduire dans les urnes, Nupes et RN auront à se disputer cet électorat en plein vague à l’âme.
Tout laisse cependant à croire que si la jeunesse périurbaine reprenait le chemin des urnes, elle se dirigerait naturellement vers l’une plutôt que l’autre.