International

Le Mali suspend RFI et France 24

17 mars 2022
Crédits photo : ONU / Flickr Creative Commons
Temps de lecture : 4 minutes

La junte militaire a annoncé sa volonté d’arrêter la diffusion des médias français RFI et France 24 sur l’ensemble du territoire. Des « atteintes graves à la liberté de la presse » que dénonce Paris ce jeudi 17 mars.

Depuis des mois, le Mali n’a de cesse de provoquer les autorités françaises. Après avoir chassé de son sol les soldats européens, privilégiant les miliciens russes de la société Wagner, la junte vient d’engager une procédure de suspension des chaines RFI et France 24. Selon ces deux médias, l’armée malienne s’est rendue coupable d’exactions contre des civils, ce qu’a vertement rejeté le porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maïaga. Ce dernier « rejette catégoriquement ces fausses allégations contre les vaillantes FAMA » et a annonce que le gouvernement « engage une procédure […] pour suspendre jusqu’à nouvel ordre la diffusion de RFI […] et France 24 ».

La France condamne

En réponse, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères indique que la France « exprime son inquiétude face aux graves allégations d’exactions qui auraient été commises dans le centre du pays, qui ont été documentées de manière indépendante, et qui ne sauraient être passées sous silence ». En effet, selon le rapport, daté du 15 mars, de l’ONG Human Rights Watch sur les exécutions de civils maliens, 107 civils ont été assassinés « dont au moins 71 impliqueraient des membres des forces gouvernementales, et 36 impliqueraient des membres de groupes islamistes armés, aussi appelés djihadistes ».

Corinne Dufka, directrice pour le Sahel de l’ONG indique : « on constate une hausse dramatique du nombre de civils, y compris de suspects, tués par l’armée malienne et des groupes islamistes armés ». « La CPI [Cour pénale internationale, ndlr] a une enquête ouverte sur le Mali et reste la juridiction de dernier ressort lorsque les autorités nationales ne peuvent ou ne veulent pas enquêter et poursuivre les crimes les plus graves » précise-t-elle. De son côté, la porte-parole de l’Union européenne déplore une décision « inacceptable », constituant une véritable « fuite en avant » pour le gouvernement malien actuel.

Des mois de tensions et de provocation

Cet événement s’inscrit dans le temps long. La junte militaire malienne n’en est pas à sa première provocation. Le 17 février dernier, la France et ses alliés de l’opération Takuba annonçaient le retrait de leurs forces présentes sur le sol malien. Dans un communiqué, l’Élysée expliquait avoir fait ce choix « en raison des multiples obstructions des autorités de transitions maliennes, le Canada et les Etats européens opérant aux côtés de l’opération Barkhane au sein de la Task-Force Takuba estiment que les conditions politiques, opérationnelles et juridiques ne sont plus réunis pour poursuivre efficacement leur engagement militaire actuel dans la lutte contre le terrorisme au Mali ». Plusieurs semaines auparavant, le gouvernement malien donnait 72h à l’ambassadeur de France au Mali pour quitter le pays.

Au Mali, certaines voix s’élvèvent contre une diplomatie devenue folle. Au début du mois de février, Dora Diarra, membre du bureau politique du Sadi (parti d’inspiration marxiste), déplorait, sur RFI : « Les autorités de la transition sont en train de faire une manipulation avec la fibre patriotique, avec le désir des Maliens d’aller vers une véritable souveraineté, d’avoir une nation respectée à travers le monde. Les Maliens ont envie de cela et les autorités actuelles comprennent bien cela, c’est pourquoi ils évoluent en créant des événements pour distraire le peuple malien. D’abord c’est le représentant de la Cédéao au Mali expulsé en octobre dernier, aujourd’hui c’est au tour de l’ambassadeur de la France. Ce sont tout simplement des distractions pour que l’essentiel soit oublié et les Maliens seront tôt ou tard réveillés par la dure réalité ».  Et d’ajouter : « Il y a beaucoup de militants que nous respectons qui croient qu’une véritable révolution est en cours au Mali, poursuit le responsable du Sadi. Je dis que ce n’est pas une révolution mais de la manipulation. Notre diplomatie est une diplomatie de provocation pour attirer la foudre sur notre pays et faire passer leur agenda personnel cacher pour se maintenir au pouvoir ». Par ses différentes prises de positions, le gouvernement malien s’attire à lui, une pluie de sanctions plutôt que des vents favorables.

Le Mali sous sanctions

Au début de cette année, la Communauté économique européenne des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) prononçait de fortes sanctions contre l’État malien en le plaçant sous embargo économique. Considérant que la junte tente par tous les moyens de ce maintenir au pouvoir, la Cédéao dénonçait dans un communiqué « cette posture des Autorités de la Transition Militaire laisse clairement entrevoir une volonté de se maintenir au pouvoir pendant une durée de plus de 5 ans» , avant d’ajouter qu’« un calendrier raisonnable et réaliste » doit être tenu en vue d’élections. Depuis, le Mali semble de plus en plus se renfermer sur lui-même, avec, à sa tête, une junte qui contrôle tout.

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