Législatives 2022 : Le Rassemblement National caracole vers l’Assemblée
20 juin 2022
Au lendemain du second tour, les députés du Rassemblement National totalisent un score inédit dans le long cheminement historique du parti. 89 femmes et hommes occuperont désormais l’hémisphère gauche de l’hémicycle, corsetant les 64 députés Républicains restants et tenants tête aux 131 députés de la coalition Nupes.
Alors que dans certains milieux, militants politiques et responsables dénoncent la montée du péril fasciste, l’atmosphère est plutôt à la célébration dans les rangs du Rassemblement National, qui concrétise l’une des plus belles assises politique.
Des bastions maintenus
Jordan Bardella s’en félicite : « C’est un tsunami ». Un tsunami constitué d’autant de barons que d’écuyers. Laurent Jacobelli en Meurthe et Moselle, Sébastien Chenu dans le Nord, l’héritière de Louis Alliot Anaïs Sabattini dans les Pyrénées Orientales : les grands noms du RN se sont maintenus dans la facilité.
Point d’orgue de cette élection : La Nupes n’aura finalement pas le monopole de la diversité des horizons. Parmi les nouveaux entrants, on décompte des profils hétéroclites. D’abord celui de Lisette Pollet, ancienne femme de ménage reconvertie politique, ensuite celui de Romain Baubry, gardien de la paix engagé depuis une dizaine d’année dans les rangs du parti. Enfin Anne-Sophie Frigout, professeure d’histoire venu de Debout La France. Issus de la société civile, ils démontrent que le RN sait puiser ses atouts dans les départements.
Marine le Pen est tout autant réélue haut-la-main dans son fief calaisien d’Hénin Beaumont. Elle y totalise 61% des suffrages et confirme sa popularité locale. Le score réalisé par son parti à l’échelle nationale démontre quant à lui l’efficacité d’une stratégie fomentée sur le temps long : celle de la dédiabolisation par l’implantation. En 2021, le RN occupait, dans 258 municipalités, près de 840 sièges d’élus communaux. Fréjus, Hayange, Perpignan, Beaucaire font partie de ces mairies RN plébiscitées.
Galvanisée par ces résultats, la fraîchement élue député Laure Lavalette ne pouvait s’empêcher d’exclamer sa joie au micro d’Anne Sophie Lapix : « C’est une percée historique depuis 1986, le Peuple français gagne et entre enfin à l’Assemblée Ntionale », ajoutant que pour faire opposition à la politique macroniste sur le plan du pouvoir d’achat et de l’immigration, il fallait un groupe « souverainiste populaire et républicain ». De quoi déclencher des éruptions cutanées à tous les frontistes républicains.
Le temps de la reconfiguration ?
L’abstention reste la parent-pauvre de cette élection. Elle est l’éléphant au milieu de ce magasin de porcelaine qu’aucun politique ne souhaiterait constater, sous peine d’admettre son incapacité à mobiliser les foules électorales. La remodélisation du paysage politique français s’est faite élan populaire, particulièrement dans les départements de la petite couronne francilienne où en moyenne 75% des inscrits ne se sont pas déplacés.
Le découpage géographique du vote augure d’une fracture toujours plus prégnante dans le maillage territorial français. Même si les traditionnels fiefs rouges du centre de la France restent fidèle à leurs idéaux, les terres frontistes du sud et la « diagonale du vide » s’ancrent définitivement dans le giron du Rassemblement National. Dans les banlieues des grandes métropoles, la Nupes rafle l’immense majorité des sièges – extra et intra muros – à l’image de la Seine Saint Denis, où sur les douze circonscriptions que comptent le département, l’entièreté est maintenant détenue par des lieutenants de la France insoumise.
Quant à la majorité présidentielle, elle a démontré son incapacité à s’ancrer durablement sur des territoires, redoublant de parachutages ratés ou avortés (Jean-Michel Blanquer dans le Loiret, Roxana Maracineanu dans le Val-de-Marne ou encore Amélie de Montchalin dans l’Essonne pour ne citer que les plus médiatiques). Privés d’une majorité absolue, Ensemble! doit désormais se prêter aux jeux des alliances, tacites et circonstanciées, pour parvenir à concrétiser les grandes réformes engagées par Emmanuel Macron.