Législatives : Fabien Roussel brise l’euphorie
20 juin 2022
Au lendemain d’un scrutin qui a vu la Nupes confisquer la majorité absolue au groupe Ensemble!, le premier secrétaire du Parti Communiste a rappelé ses dissensions avec son groupe majoritaire, fustigeant de surcroît ses erreurs stratégiques .
Si l’on peut accorder un mérite à Fabien Roussel, c’est bien celui de la cohérence. Alors qu’il faisait reposer sa campagne sur des thématiques peu reconnues à la gauche du spectre politique, il n’a pas manqué de rappeler à la France Insoumise ses échecs tactiques.
Une victoire en demi-teinte
Dans son fief du Pas-De-Calais, Fabien Roussel a maintenu contre vents et marées les assises fragilisées du Parti Communiste. Implanté à Denain depuis des décennies, il est passé de justesse (54,5%) face au candidat RN Guillaume Florquin (45,5%) dans une circonscription ouvrière, minée par la pauvreté, la délinquance du quotidien et l’éloignement des pôles attractifs.
Denain serait la preuve par les faits de l’incapacité de la Nupes à parler à cette « France périphérique » selon le terme de Christophe Guilluy. L’ancien bassin minier du nord est depuis longtemps passé dans le giron du Rassemblement National. Malgré le martèlement médiatique, les électeurs ne se sont pas détournés du vote national, ce que Fabien Roussel regrette amèrement : « Dans les Hauts-de-France, que je connais bien, cela n’a pas empêché les électeurs de se tourner vers les candidats de l’extrême droite (…) cette alliance n’a pas permis d’obtenir une majorité ».
Ce qu’il regrette avant tout, ce sont les sorties peu républicaines du chef de la LFI. Sans revenir sur ce florilège intarissable, l’opinion public ne pardonne pas et se souvient des excès mélenchonnesques. Au micro de BFMTV, Fabien Roussel précisera sa pensée. « Je le sens bien, dans cette France rurale, qu’il y a des propos qui heurtent les français (…) on doit rassembler nos concitoyens, des campagnes et des grandes agglomérations »
Vote des villes et vote des champs
Il est de notoriété publique de reconnaître les scores mirifiques de la Nupes dans les banlieues des grandes métropoles : Val-de-Marne, Seine-Saint-Denis, Essonne pour ne citer qu’elles. Sa seconde réserve de voix repose dans les centres urbains aisés telles que Toulouse, Bordeaux, Paris et Strasbourg. Face à cela, Fabien Roussel alerte sur la stratégie fomentée, notamment par le camarade Bompard, fidèle parmi les fidèles de Jean-Luc Mélenchon.
Lui-même élu dans les Bouches-du-Rhône, il est l’artisan de l’ombre des campagnes électorales du chef de file de la France Insoumise et ce depuis sa création. Sa ligne est claire. Elle est tirée des conclusions d’un Think Tank méconnu mais crucial : Terra Nova. Celles-ci appellent les dirigeants politiques à cibler leurs électorats, non plus sur des critères de rassemblement populaire, mais en fonction de leurs déterminismes sexuelles, ethniques ou religieuses. Musulmans, Boudhistes, lesbiennes, bambaras et soninkés deviennent des identités électorales à parts-entières, qu’il est nécessaire d’harponner.
Terra Nova, constatant la désaffiliation progressive des prolétaires ruraux et périurbains, estime que la mobilisation électorale se trouve ailleurs, qu’il faut substituer, toujours selon Christophe Guilluy, le peuple « Old School » au peuple « New School ». Le chantre du Parti Communiste ne peut tout de même s’y résoudre et regrette que la coalition ait « atteint des limites dans sa belle dynamique » : pour lui, prolétaires ruraux et urbains devraient s’unir sous la bannière des Jours Heureux.
Le Parti Communiste Français, tout juste ressuscité par la gouaille et le panache de son premier secrétaire, annonce faire cavalier seul pour le prochain quinquennat : « Nous aurons notre propre groupe » affirme Fabien Roussel. Cette prise de distance, résultat direct de l’échec du scrutin annonce une fragmentation plus rapide que prévue pour la grande coalition de gauche.