Les derniers bastions de Seine-Saint-Denis
14 juin 2022
Alors que le tsunami rouge de la Nupes a déferlé dans le paysage politique français, les ténors historiques du centre-droit et de la droite voient leurs assises contestées. Sur les 12 circonscriptions que comptent la Seine-Saint-Denis, seules deux d’entre-elles pourraient être maintenues par des candidats LR.
La « ceinture rouge » se resserrerait-elle davantage après l’incursion progressive des personnalités de droite qui dure depuis des dizaines d’années ? Alors que la mosaïque parlementaire de Seine-Saint-Denis reposait sur un certain équilibre, une bascule semble s’opérer en faveur de l’extrême gauche qui devrait reprendre le contrôle du département d’ici dimanche prochain.
Jean-Christophe Lagarde et Alain Ramadier : les derniers des Mohicans
Crédités respectivement de 33,41% et 20,07%, les candidats de l’Union des Démocrates et du Centre se sont vus sanctionnés d’un ballotage défavorable à l’aune du premier tour des élections législatives. Acculés dans leurs fiefs, ces politiques n’ont pas dit leur dernier mot.
Face à la tonitruante Raquel Garrido (37,9%), J-C Lagarde talonne de justesse son adversaire insoumise dans la 5ème circonscription qui regroupe les communes de Drancy et de Bobigny. La configuration politique du département donne un espoir au député sortant. Il pourrait en effet compter sur le soutien du candidat de la majorité présidentiel Nabil Aït Akkache (8%) ainsi que sur le postulant de l’Alliance Centriste Raynald Roueche (1,8%). Cumulés, l’ancien maire de Drancy pourrait espérer sur une fourchette de 40% à 45% conféré par un corps électoral de Seine-Saint-Denis peu mobilisé.
Raquel Garrido peut quant à elle compter sur une myriade de candidats anonymes et de désintéressés chroniques de la vie politique que la Nupes a l’habilité de savoir capter. Amel Hormi de la Fédération de la Gauche Républicaine (2,22%) et Geoffroy Desbois du Parti Animaliste (1,19%) constituent la principale réserve de l’avocate médiatique, ce à quoi pourraient certainement s’ajouter les trois candidats d’extrême gauches qui enregistrent près de 2% des voix exprimées.
La situation d’Alain Ramadier, implanté depuis des dizaines d’années dans le département, est bien moins idéale. Son adversaire insoumise Nadège Abomangoli, connue pour son appartenance à l’axe indigéno-décolonial du mouvement LFI, réalise près du double du score du baron Républicain à près de 39,71%. Le seul soutien de taille serait attribué à Sonia Bakhti-Alout du mouvement Horizons (10,49%). Même si les divergences de formes venaient à être dépassées, la victoire du député Ramadier repose une probabilité bien trop faible tant la Nupes a raflé l’électorat de la 10ème circonscription.
Dans une tribune du journal local Mon Aulnay, Claudio Calfuqir, conseiller municipal, remettait en question la crédibilité et le sérieux de Mme. Abomangoli à l’aune d’une réunion de section qui visait à déterminer le candidat de la bannière insoumise : « Les camarades se voyaient accusés de défendre un « mâle blanc non racisé » après que j’ai remis en question sa candidature (…) Avec ces méthodes, je souhaite bien du courage à Nadège Abomangoli afin de réunir les camarades de la circonscription »
Des duels éminemment corsetés dont l’issue est tempérée par les recommandation de l’ancien sénateur LR et maire de Pavillon-Sous-Bois Phillipe Dallier :« Personne ne s’attendait à ce que cela soit un long fleuve tranquille, mais ils ont une chance de l’emporter tous les deux » ajoutant que « la droite est bien vivante »
Une abstention notoire mais attendue
Dans un département où le vote, acte d’engagement civique fondateur, n’a jamais été perçu comme un devoir impératif, toutes les perspectives peuvent être estimées tant le réservoir de voix est conséquent. La Seine-Saint-Denis enregistre néanmoins une participation en hausse par rapport à 2017 (24,74% à 27,92%) qui a largement profité aux aspirants insoumis.
Une des zone d’ombre demeure dans le choix tactique qu’opèreront les candidats de la droite nationale incarnés par le Rassemblement National et Reconquête. Même si leur réserve de voix est dérisoire au regard de la population, l’élection législative pourra se jouer à la voix près.