Les rabatteurs de la macronie
7 février 2022
Les soutiens d’Emmanuel Macron sont à la manœuvre pour élargir son assise électorale avant la présidentielle. Le lancement du collectif « Pluriel » doit lui permettre de capter l’électorat communautaire. [TRIBUNE]
Le 20 janvier dernier, le quotidien en ligne La lettre A annonçait le lancement imminent d’un mouvement appelé « Pluriel ». Porté par plusieurs ministres et députés, il aurait pour objectif de « permettre de mordre sur l’électorat de centre gauche, mais aussi et surtout de toucher les “diasporas africaines” ».
Comme en 2017, Macron soigne son marketing politique à destination de « minorités » de moins en moins minoritaires. On rappellera notamment l’enjeu du « vote musulman » en 2017 : une analyse de l’IFOP avait montré́ que 92 % des musulmans s’étaient prononcés en faveur de Macron. Pas négligeable quand on sait que de nombreux analystes considèrent que c’est cet électorat qui a permis l’élection de François Hollande en 2012.
Comme Macron l’a très bien compris, à côté d’un vote de classe, il y a un vote communautaire qu’il n’est désormais plus possible de négliger. En décembre dernier, TSA, un quotidien algérien en ligne, se faisait l’écho de cette stratégie qui cible particulièrement les franco-algériens.
Les dérives communautaires d’Emmanuel Macron
Dans un article intitulé « Présidentielle. Ni captive ni passive, la diaspora algérienne en France fera
entendre sa voix en 2022 », le quotidien indiquait : « C’est surtout le camp d’Emmanuel Macron qui lui fait du pied. Dîners, concertations, légions d’honneur, tous les outils ont été utilisés par la majorité actuelle pour attirer cette partie de la communauté. Fin novembre, le ministre de l’Intérieur Gérard Darmanin organisait un dîner avec des cadres et entrepreneurs issus de la diaspora algérienne ».
Le même Darmanin qui, en novembre 2020, s’était rendu en Algérie et en avait profité pour rendre hommage aux «martyrs» du FLN en déposant une gerbe devant leur mémorial. En 2017, Emmanuel Macron avait effectué le même geste symbolique avant de qualifier la colonisation de «crime contre l’humanité». Le quotidien algérien y voyait « un clin d’œil à la forte communauté algérienne de France ».
La stratégie est donc claire : mobiliser un électorat communautaire et de centre gauche mais sans pour
autant perdre le centre droit. Pour amadouer cet électorat, Jean Michel Blanquer a multiplié les initiatives ces derniers mois : dénonciation de l’écriture inclusive, défense des langues anciennes et lancement d’un think tank le « laboratoire de la République », en octobre dernier, pour lutter contre le wokisme.
Début janvier, le ministre participait au colloque « Après la déconstruction : reconstruire les sciences et la culture». Ce qui, rétrospectivement, ne manque pas de piquant quand on sait que parmi les thèmes abordés figurait la théorie du genre. En septembre dernier le ministère de l’Éducation nationale avait, en effet, adressé à l’ensemble de ses personnels une circulaire consacrée à cette question. Intitulée « Pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l’identité de genre en milieu scolaire », nous y apprenions que la différenciation sexuelle était désormais à mettre aux oubliettes car « l’identité de genre est en effet propre à chaque individu et à son ressenti intime ».
Après avoir cédé aux lobbies LGBTQ en permettant, sous couvert de lutte contre les discriminations, la diffusion de la théorie du genre à l’école, Blanquer cherchait donc à apparaître comme le contempteur du wokisme.
Un jour la novlangue progressiste pour évoquer « la non-congruence entre le genre de naissance et le genre vécu », le lendemain des envolées lyriques pour célébrer le retour du latin à l’école et des langues anciennes qui nous ont transmis « le culte du vrai et du beau, l’exigence du logos, qui se révèle si nécessaire à notre époque où la déraison fait feu de tout bois ». On croirait entendre Jacqueline de Romilly.
Illustration du fameux « en même temps » macronien : un coup à gauche, un coup à droite. Une stratégie électorale qui raconte à chacune de ses cibles ce qu’elle voudrait entendre. C’est-à-dire tout et son contraire. Comme en 2017, Emmanuel Macron sera, au cours de sa campagne, ondoyant, onctueux, « pluriel ». Il suggèrera, laissera croire, complexifiera pour mieux dérouter et se dérober. Il sera à la fois la carpe et le lapin. Quant aux français voudront-ils être, une seconde fois, les dindons de sa farce ?
Frédéric Lassez est juriste. Il a fondé le site Les Artilleurs.
