Justice

Malaise chez les magistrats

15 décembre 2021
Temps de lecture : 3 minutes

Plusieurs syndicats de magistrats appellent à une mobilisation massive, aujourd’hui, pour réclamer davantage de moyens, alors que les États généraux de la justice sont en cours.

Magistrats, avocats et greffiers se rassemblent aujourd’hui devant les tribunaux pour réclamer des moyens « dignes » pour la justice, trois semaines après la parution d’une tribune rédigée par neuf jeunes magistrats, dénonçant la souffrance au travail et une perte de sens considérable. A l’occasion de cette journée de « mobilisation générale pour la justice », les organisateurs appellent également à des renvois massifs d’audiences.

Publiée le 23 novembre dans Le Monde, cette tribune fut écrite comme on sonne le tocsin, après le suicide, fin août, d’une de leurs jeunes collègues, Charlotte, âgée de 29 ans, établie dans le Nord et le Pas-de-Calais pour « compléter les effectifs » de ces « juridictions en souffrance », selon les auteurs. « A plusieurs reprises, au cours de l’année qui a précédé son décès, Charlotte a alerté ses collègues sur la souffrance que lui causait son travail. Comme beaucoup, elle a travaillé durant presque tous ses week-ends et ses vacances, mais cela n’a pas suffi« , relate la tribune. Ce sont ces conditions de travail et cette pression systématique qui l’auraient poussée à mettre fin à ses jours.

Les signataires espèrent donc provoquer un sursaut gouvernemental, soulignant, par le substitut du procureur sur le ressort de la Cour d’appel de Douai, voix de Manon Lefebvre sur FranceInfo, qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé.

Des aides insuffisantes

Ces deux dernières années, le gouvernement avait pourtant attribué une hausse de budget de 8% à la justice, et récemment lancé les États généraux de la justice. Mais le problème est loin d’être réglé. Les signataires font notamment référence aux audiences surchargées, à la multiplication des arrêts maladie qui se multiplient, aux audiences classées sans suite ou encore à l’obligation de traiter des affaires de divorce « en quinze minutes » sans pouvoir donner la parole aux parties.

Cette situation les place face à un « dilemme intenable : juger vite, mais mal, ou juger bien, mais dans des délais inacceptables ». Claire Dujardin, avocate à Toulouse et présidente du Syndicat des avocats de France, rappelle sur franceinfo que le budget de la justice française est « au 14e rang sur 27 pays au niveau européen ». « Il faudrait doubler le nombre de magistrats et de greffiers pour atteindre le niveau correspondant aux autres pays européens. » Quant aux contractuels recrutés, l’avocate explique qu’ils ne « sont pas formés pour reprendre une audience ou (…) rédiger des jugements. Ils ne peuvent suppléer aux difficultés actuelles de manque d’effectifs au niveau magistrats et greffiers ».

Malgré cette mobilisation massive et inédite pour la profession – plus de 7 550 signataires, dont 5 476 magistrats, 1 583 fonctionnaires de greffe et 493 auditeurs de justice, le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, ne semble pas saisir l’ampleur de ce malaise. A l’avant-veille de cette journée de mobilisation, le ministre a préféré défendre son bilan lors d’une conférence de presse, vantant de nouveau le budget « historique » pour la justice sous cette mandature. En 2022, il sera de 8,9 milliards d’euros contre 6,8 milliards d’euros en 2017, soit « une augmentation de plus de 30% sur ce quinquennat ».

Le ministre a notamment annoncé l’augmentation du nombre d’auditeurs de justice et la création de cellules psychologiques pour les magistrats et les greffiers, assurant avoir « entendu et pris en compte » l’appel à se rassembler devant les juridictions. Eric Dupond-Moretti a toutefois dénoncé les « arrière-pensées de certains, tout comme les tentations d’instrumentalisation dans un contexte pré-électoral ».

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