Marine Le Pen à la conquête de l’Europe
6 décembre 2021
« La diplomatie du gyrophare » : comme un mois plus tôt en Hongrie, c’est avec plusieurs véhicules officiels et des représentants du gouvernement que Marine Le Pen était reçue ce 03 décembre par l’état polonais cette fois. Elle était, comme représentante du Rassemblement National, invitée au « sommet de Varsovie », la rencontre des différents mouvements souverainistes et conservateurs européens.

Accueillie par le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, ce fut pour la candidate à l’élection présidentielle l’occasion d’échanger à nouveau avec Viktor Orbán également, le chef du gouvernement hongrois, après son tête-à-tête avec ce dernier en octobre. Une manière pour Marine Le Pen de confirmer sa stature internationale, et de survoler l’actualité nationale (victoire de Valérie Pécresse, meeting d’Éric Zemmour) en prenant de la hauteur.

Marine Le Pen a compris que sur la question du lien à renforcer avec les droites européennes et des alliés à cueillir pour asseoir sa crédibilité, elle aurait désormais un concurrent direct : Éric Zemmour. Elle ne peut désormais que prouver qu’elle n’a pas attendu ce nouveau candidat pour saisir l’importance de ces « partenariats », aussi ce déplacement en Pologne était une nouvelle démonstration de force de la candidate qui dinait dès son arrivée avec le Premier ministre Morawiecki et d’autres leaders souverainistes européens. Une soirée tenue après que Marine Le Pen se soit rendue dès son atterrissage au monument aux morts des héros du ghetto de Varsovie, un mémorial en hommage à la Shoah.

Rattraper Emmanuel Macron sur son terrain de jeu : l’Europe
« Nous avons autant en commun avec Mme Le Pen qu’avec Vladimir Poutine« , cette phrase choc avait été prononcée en 2017 par le leader du parti Droit et Justice (Pis) au pouvoir en Pologne, Jaroslaw Kaczynski. Une rancœur que les polonais éprouvent pour la Russie et qui avait mené une partie de sa classe politique à rejeter tous ceux qui, de près ou de loin, faisaient montre de leur amitié pour Vladimir Poutine, et ce fut ainsi le cas pour Marine Le Pen, malgré la main tendue de cette dernière pour une alliance européenne avec le PiS. Depuis, le mouvement s’est affiché publiquement deux fois avec le Rassemblement National : sa dirigeante a rencontré le chef du gouvernement polonais en octobre dernier à Bruxelles, en plus de cette nouvelle réunion à Varsovie.

Du côté hongrois, Marine Le Pen est également devenue une « proche » de Katalin Novak, ministre hongroise de la Famille, qui elle a assuré que « l’objectif de Fidesz est de faire en sorte que les personnes nationalistes, pro-liberté, anti-immigration et respectueuses des valeurs familiales traditionnelles soient représentées aussi fortement que possible dans le processus décisionnel européen ». Quant au Parlement européen, justement, le RN et la Ligue de Matteo Salvini appartiennent au groupe Identité et Démocratie (ID), tandis que Droit et Justice, Vox et Fratelli d’Italia sont dans le groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE). Le Fidesz, qui a quitté le Parti populaire européen (PPE), est lui à la recherche d’autres partenaires. Dans un communiqué adressé à la presse, « la déclaration de Varsovie », signé par les différents partenaires présents, Marine Le Pen estime elle que « les participants de la conférence d’aujourd’hui partagent une conviction commune et profonde, à savoir que l’UE est composée d’États-nations libres et égaux, liés par de nombreux domaines de coopération étroite ».
Un ensemble de souhaits des différents dirigeants ou leaders de mouvements européens qui permet de comprendre l’intérêt pour Marine Le Pen de se placer avec une position centrale dans cette recomposition de l’Union Européenne.

Un déplacement qui correspond par ailleurs à un agenda qui n’est pas anodin non plus : d’une part, la candidate surfe sur le contexte national français (deux nouveaux candidats à droite : Valérie Pécresse, Éric Zemmour) en prenant de la hauteur et du recul et d’autre part elle répond à contexte polonais particulièrement tendu, en partageant sa vision : « les migrants sont instrumentalisés comme une arme« . En effet la Biélorussie encourage depuis cet été l’arrivée de Kurdes, Irakiens, Syriens, Afghans qu’elle conduit à la frontière de la Pologne, laquelle a répondu de son côté avec plus de 10 000 hommes déployés pour sécuriser les frontières et empêcher le déferlement migratoire. Le président français Emmanuel Macron a lui affirmé mercredi sa « solidarité » avec Varsovie, face aux « déstabilisations » liées à l’afflux de migrants à la frontière polonaise. Le Rassemblement National de Jordan Bardella a indiqué soutenir la Pologne dans le choix de construire un mur à la frontière.
Une Europe à reconstruire
Les participants au sommet de Varsovie entretiennent désormais de fidèles relations puisque la plupart s’étaient déjà rencontrés en juillet et signaient une déclaration commune sur la nécessité d’une « réforme profonde » de l’Union Européenne, craignant la « création d’un super-État européen ». Ce samedi, à Varsovie, après que des manifestants aient protesté en criant « Traitres ! Non au Fascisme ! » devant l’Hôtel Regent, c’est une dizaine de participants qui se sont donc réunis autour de Marine Le Pen, Viktor Orbán et du président du PiS (le parti « Droit et Justice » au pouvoir en Pologne) Jaroslaw Kaczynski : parmi eux notamment Matteo Salvini, mais aussi Fratelli d’Italia (Italie), Vox (Espagne), le FPŌ autrichien, ou encore des mouvements souverainistes et conservateurs de Lituanie, Finlande, Estonie et Roumanie.
« Ce n’est qu’à travers un tel modèle de coopération européenne que nous pourrons sauver l’UE de nouvelles crises et tensions, et mettre un terme à l’idée inquiétante de créer une Europe gouvernée par une élite autoproclamée » signe Marine Le Pen dans leur déclaration commune. Plus loin, les nouveaux alliés reprennent et complètent leur déclaration du mois de juillet : « Les participants se sont également entendus sur une coopération plus étroite de leurs partis respectifs au sein du Parlement européen, y compris l’organisation de réunions communes, et l’alignement des votes sur des questions communes, telles que la protection de la souveraineté des États-membres et protection contre l’immigration illégale ».

Une nouvelle rencontre a été programmée par les différents intervenants dans deux mois. Cette prochaine étape sera décisive pour Marine Le Pen qui devra définitivement sceller une alliance européenne, indispensable pour témoigner de sa stature présidentielle à l’internationale à quelques mois de l’élection d’avril.

Jordan Florentin
Rédacteur en chef du service politique