Politique

Marine Le Pen : « L’État a abandonné Mayotte »

16 décembre 2021
Temps de lecture : 6 minutes

Marine Le Pen, qui lancera officiellement sa campagne à l’élection présidentielle le 05 février prochain à Reims, est actuellement en déplacement en outre-mer, côté océan indien, pour venir constater la situation à Mayotte et à la Réunion. Une situation « d’urgence absolue », selon elle, tant l’insalubrité, l’insécurité et les conséquences de l’immigration témoignent d’une faute grave : l’abandon total de l’état français.

Colliers de fleurs, danses et chants locaux, femmes mahoraises portant le msindzano (masque de beauté) : nul doute, c’est bien à Dzaoudzi (où se situe l’aéroport de Mayotte) qu’a atterri Marine Le Pen ce jeudi 16 décembre à 07h30 (heure locale) après près de dix heures de vol au départ de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle. Un accueil bien spécifique réservé particulièrement à la candidate (pour la troisième fois) à l’élection présidentielle, Marine Le Pen, dont la popularité dans les outre-mer n’a de cesse de croître (en 2017 déjà, au premier tour, la candidate enregistrait le score de 27,28%, loin devant sa moyenne en métropole et loin devant les 19,13% d’Emmanuel Macron).

Au programme du jour : traversée en barge depuis l’aéroport de Dzaoudzi jusqu’à la « grande terre », rencontre avec un comité d’accueil mahorais, rencontre avec des militantes opposées à l’association La Cimade (dont l’antenne locale à Mayotte favorise l’arrivée de dizaines de milliers de migrants), déjeuner privé, puis échange avec une famille de victime de l’insécurité régnante sur l’île (Marine Le Pen a pu discuter avec les parents d’un enfant assassiné à Mayotte). Une rencontre initialement prévue avec des cadis (les « juges » musulmans locaux) a finalement été reportée. Tout au long de son séjour, Marine Le Pen est accompagnée d’André Rougé, eurodéputé expert des questions liées à l’outre-mer.

Marine Le Pen aux côtés d’André Rougé dans la barge faisant le lien entre grande et petite terre / Image : Jordan Florentin

« Jamais nos compatriotes ultramarins ne se sont sentis autant abandonnés » lance en introduction Marine Le Pen lors de la présentation à la presse de son projet outre-mer en début de semaine à Paris. Une manière déjà de cibler en particulier les habitants de Mayotte, territoire devenu DROM en 2009 et « région ultrapériphérique » de l’Union européenne depuis 2014. La candidate semble, avec ses nombreux déplacements ces dernières années sur ces territoires éloignés mais pas moins français, avoir cerné combien l’évolution du statut de ces bouts de France n’a pas pour autant permis une véritable considération de la métropole. C’est devant une affiche « Mayotte est française et le restera à jamais » que Marine Le Pen prend la parole une première fois ce matin devant de nombreux Mahorais pour rappeler son attachement à ce territoire et fustiger l’abandon du gouvernement qu’elle juge coupable par ailleurs de complicité avec des associations (dont La Cimade) responsables du torrent migratoire que subit Mayotte.

Marine Le Pen à son arrivée à Mayotte, avec les traditionnels colliers de fleurs locaux / Image : Jordan Florentin

« Le Grand Remplacement, c’est ici à Mayotte » nous dit un Mahorais interrogé par Livre Noir. Un sentiment partagé par de nombreux habitants de l’île qui ne croient plus dans les chiffres officiels s’agissant de la population et de l’immigration, qui font état d’environ 280 000 habitants. Selon de nombreux locaux, si l’on y ajoute la population immigrée et délinquante, on avoisine plutôt les 500 000 habitants, un chiffre confirmé par le président du département Ben Issa Ousseni qu’a rencontré Marine Le Pen en fin de matinée. Les responsables ? L’État, en premier lieu, d’après la candidate à l’élection présidentielle, et notamment à travers l’appui aux migrants mené par l’association La Cimade, largement subventionnée pour « venir en aide aux étrangers ». Des Mahoraises, soutenues par Marine Le Pen, s’étaient d’ailleurs rassemblées ce matin pour dire non aux actions et opérations menées par cette association : « nous ne sommes pas des xénophobes, Mayotte est perdue depuis plusieurs années car des associations sont complices du trafic d’êtres humains depuis les Comores. Ce n’est pas aux associations humanitaires de décider de ce que doit être Mayotte ». Un discours qui ferait pâlir par ailleurs les habituels indignés des discours soi-disant « racistes » qui ne seraient tenus que par les fameux « mâles blancs dominants hétérosexuels et occidentaux ».

Marine Le Pen à la rencontre de Mahorais en colère contre l’association La Cimade / Image : Jordan Florentin
Les slogans des opposants à La Cimade / Image : Jordan Florentin

Plus tard dans la journée, Livre Noir a pu rencontrer un sapeur-pompier, travaillant et habitant depuis toujours à Mayotte et qui a pu voir la situation de l’île se dégrader. Il nous amène devant un dispensaire de soins qui, en lien avec l’association La Cimade, s’occuperait de 300 à 400 personnes par jour, toutes entrées illégalement à Mayotte. « Ce n’est pas normal, aucun autre département n’a ça » raconte-il, en colère. « La Cimade les accueille, les soigne, mais le pire c’est ceux qui viennent tous les jours juste pour des ordonnances de médicaments. Il faut que cela cesse. L’association reçoit des subventions de l’État. On les accueille pour aller où ? Il exploite les terrains d’autrui, on est obligé d’aller au tribunal ». Il regrette que Mayotte « donne aux autres » quand lui serait obligé d’aller à la Réunion pour se faire soigner.

Mykydachi, sapeur-pompier à Mayotte, dénonce les dispensaires de soin qui s’occupent des étrangers / Image : Jordan Florentin

Après son entretien avec le président de la collectivité, Marine Le Pen a également dénoncé le fait que seul 26 élus gèrent Mayotte, elle estime que « si l’État est défaillant en haut, il le sera aussi en bas, au local ». Pour elle, les DROM-COM sont « le cadet des soucis d’Emmanuel Macron » et promet qu’elle n’oubliera pas, elle, Mayotte qui serait « non plus en urgence, mais en urgence absolue ». Quant au programme, il s’est renforcé depuis les dernières propositions de la candidate en 2017 : hausse des moyens humains et budgétaires, mise en place d’un grand ministère d’État de la France d’outre-mer de la politique maritime, présidence d’un Conseil de l’outre-mer, investissement dans un navire de souveraineté pour chaque territoire d’outre-mer et dans des moyens aériens, referendum sur l’immigration, etc. Sur l’économie, par ailleurs, elle propose de réformer l’octroi de mer, de baisser la TVA sur les produits énergétiques, et d’y soutenir l’activité et l’emploi. En bref, de « mettre fin à la politique d’abandon de l’État », dont la candidate se demande si le gouvernement ne chercherait pas d’ailleurs « à se débarrasser à terme de Mayotte ».

Marine Le Pen à son arrivée à Mamoudzou (Mayotte) / Image : Jordan Florentin

Demain, Marine Le Pen se rendra dans un commissariat de Police avant de rencontrer des associations de parents d’élèves et personnels scolaires dont elle souligne les conditions précaires d’exercice : « un manque de classes et de moyens pour les enfants de Mayotte ». En fin de matinée, elle se rendra auprès des personnels soignants du dispensaire de Kahani. Une rencontre avec le Collectif des intérêts de Mayotte est aussi à l’agenda du jour.

Depuis Mamoudzou, où Marine Le Pen se sait en force, la candidate envoie donc un message clair à son principal opposant Emmanuel Macron qu’elle étrille sur « l’abandon indigne » de l’État : elle souhaite affirmer une stature de présidentiable qui ne limite pas son attachement à l’identité française par sa géographie métropolitaine. C’est l’ensemble des français et de ses territoires, même les plus éloignés, qu’elle veut embrasser.

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