Géopolitique

Reportage : à Azov en Russie, avec des réfugiés ukrainiens

16 mars 2022
Crédits photo : Livre Noir
Temps de lecture : 4 minutes

L’ « opération spéciale » en Ukraine a lancé sur les routes des millions de réfugiés. La très grande majorité d’entre eux a pris le chemin de l’Europe en passant par la Pologne, la Hongrie ou encore la Roumanie. Mais près de 100.000 Ukrainiens, habitants de l’Est du pays, ont trouvé refuge de l’autre côté de la ligne de front en Russie. Livre Noir s’est rendu dans l’un des centres d’accueil à Azov. Reportage.

« L’Ukraine ne voulait pas de nous, donc nous sommes venus en Russie » raconte un jeune réfugié ukrainien. Comme lui, quelques trente Ukrainiens sont actuellement accueillis dans l’un des centres d’hébergement humanitaire d’Azov, en Russie. Ils viennent pour la plupart de Marioupol, ville portuaire de l’Est de l’Ukraine et de ses alentours. Ils ont traversé en bus les quelques 200 km qui les séparent du port russe. D’autres sont accueillis sur l’autre rive de la mer d’Azov, à Taganrog.

99.300 réfugiés en Russie

À l’intérieur du centre, règne une ambiance familiale et chaleureuse. Ici, les Ukrainiens que nous rencontrons semblent heureux et rassurés d’avoir trouvé refuge et assistance du côté russe. Ces quelques familles connaissent le même sort que les 3 millions d’Ukrainiens qui fuient la guerre depuis le 24 février. Selon les estimations du Haut-Commissariat pour les réfugiés, si près de 1.8 millions d’Ukrainiens ont fait le choix de la Pologne, 435.432 de la Roumanie ou 236.888 de la Hongrie, ils sont 99.300 à avoir pris le chemin de l’exil vers la Russie (chiffres du 9 mars 2022). Ils viennent s’ajouter aux centaines de milliers d’Ukrainiens qui avaient fui en Russie après l’annexion de la Crimée et le début de la guerre dans le Donbass.

Là, à l’instar de l’accueil réservé en Europe de l’Ouest au exilés Ukrainiens, le gouvernement russe, des associations humanitaires et la population locale offrent à ces réfugiés des soins, de la nourriture, un soutien psychologique et des lieux d’hébergement. Un infirmière est présente au quotidien pour s’assurer de leur bonne santé. Moscou souhaite également permettre aux enfants de retourner à la garderie ou à l’école selon leur âge. Ainsi, à Azov, « les enfants qui le veulent peuvent continuer à aller en cours » témoigne l’un des réfugiés.

À cette assistance humanitaire de base, le gouvernement russe a, décidé d’ajouter un versement de 10.000 roubles (environ 70 euros actuellement) à tous les réfugiés qui arrivent en Ukraine. Selon la presse locale, il suffit à ces Ukrainiens d’ouvrir un compte – parfois avec l’aide des centres d’accueil – où l’argent sera versé.

Azov sous la neige

Fuir les bombes ukrainiennes

S’ils ont trouvé refuge côté russe, ce n’est pas forcément pour des raisons politiques. Ils témoignent seulement de l’impossibilité de traverser la ligne de front pour aller en Moldavie ou en Europe. « Les Ukrainiens tiraient sur nous » explique un jeune garçon dont la famille n’a eu d’autre choix que de venir de ce côté-ci de la frontière.

Mais avant même le début du conflit, certains médias critiquaient déjà l’accueil des réfugiés par la Fédération de Russie. Ainsi, dans Le Monde, les journalistes décrivent des « réfugiés qui ne sont pas volontaires ». « Des grands-mères auraient été sorties de leur village pour être envoyées en Russie. D’autres résidents auraient été emmenés de force. » poursuivent les journalistes avant de mettre en avant l’appât du gain. Sur place, nous n’avons croisé aucun réfugié qui aurait été contraint de venir en Russie. Ceux que nous avons interrogés expliquent seulement qu’il leur était impossible d’aller de l’autre côté de la ligne de front. D’autre part, la Russie n’est pas le seul pays à verser une allocation aux réfugiés. Par exemple, en France, les réfugiés ukrainiens bénéficient d’un versement mensuel de 426 euros. Une façon de les aider à s’installer dans le pays d’accueil.

Au centre, la journée se termine comme elle a commencé dans une ambiance familiale autour d’un thé. L’occasion pour chacun de raconter son histoire, de partager ses souvenirs. Tous se retrouvent autour d’un même espoir : retourner à Marioupol, peu importe que la ville passe sous contrôle russe ou non. Ils espèrent pouvoir y retrouver leur famille et leurs amis qui n’ont pas pu ou voulu fuir.

Aperçu du clocher de l’église de la Mère de Dieu, Azov

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