La confrérie des Frères musulmans est née en Égypte en 1928. Est-ce que la génération de fréristes actuelle applique la volonté originelle de Hassan el-Banna, fondateur du mouvement ?
Tout d’abord, il est important de rappeler que dans mon livre, je parle du frérisme et non pas uniquement de la confrérie des Frères musulmans. Je définis le frérisme comme un islamisme adapté à nos sociétés démocratiques sécularisées. Il est un produit idéologique d’une hybridation entre plusieurs courants revivalistes islamiques nés au début du XXe siècle, notamment les deux principaux courants, les Frères musulmans, mais aussi leurs cousins indo-pakistanais qui agissent sous le nom de Jamaat-e-Islami. Les Frères musulmans se sont plutôt exprimés en direction du monde arabe, et la Jamaat-e-Islami est davantage tournée vers l’Asie, du continent indien à l’Asie du Sud-Est, vers l’ex-empire britannique. L’indo-pakistanais Mawdoudi, le fondateur de Jamaat-e-Islami, est très populaire parmi les minorités musulmanes anglo-saxonnes. De manière générale, il faut rappeler que les musulmans arabes sont minoritaires dans l’ensemble du monde musulman, le plus grand pays musulman étant l’Indonésie.
En France, en raison de la démographie des migrants, les familles musulmanes sont majoritairement issues du monde arabe auquel s’est adressé Hassan el-Banna, fondateur de la Confrérie des Frères musulmans en 1928. Les Ramadan, Saïd le neveu, ses fils Hani et Tariq, font partie de la dynastie et ont fortement contribué à adapter la pensée de cette figure tutélaire du frérisme, mais c’est vrai aussi des cadres de l’UOIF (devenue Musulmans de France) comme Amar Lasfar, Fouad Alaoui ou encore Tareq Oubrou qui restent des fidèles du maître.
Les Frères musulmans, qui se sont inspirés du fonctionnement de la franc-maçonnerie, forment une confrérie secrète : ils ne rendent pas publique leur appartenance sauf quand ils en sortent ou prétendent en être sortis. Le réseau de l’ex-UOIF reste une courroie de transmission de la pensée frériste en France. Si on prend l’exemple de l’association Havre de Savoir, basée au Havre, on y trouve les vingt principes du fondateur de la confrérie, principes diffusés par toutes les organisations nationales et internationales que l’on peut ainsi identifier comme faisant partie de la matrice frériste. Hassan-el-Banna reste la figure tutélaire, ensuite, il y a des figures influentes du frérisme moderne du XXIe siècle, en particulier Youssef al-Qaradâwî qui s’est inspiré de l’indo-pakistanais Maududi né à la même époque que Banna.
Dans mon livre, je n’ai pas vraiment mis l’accent sur les institutions des Frères, qui sont secrètes et difficiles à identifier. Une thèse de doctorat suédoise écrite par Sameh Egyptson de l’Université de Lund, et qui vient d’être soutenue, a abordé ce sujet complexe et proposé un repérage institutionnel très intéressant. Pour ma part, comme anthropologue, je me suis surtout intéressée à la généalogie des idées pour établir les liens entre la pensée d’El-Banna et la façon dont les Frères pensent et agissent près d’un siècle plus tard dans un envi
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Un commentaire
Les frères musulmans et l’uoif devenu les musulmans de France. Sont classés organisation terroriste aux emirats arabes Unis depuis février 2014.