Politique

Zemmour, trop de polémiques tuent la politique ?

20 novembre 2021
Temps de lecture : 4 minutes

Alors que l’écrivain vient d’annoncer la tenue de son premier meeting – sans le nommer – à Paris, le 5 décembre prochain, certains soutiens craignent une prépondérance des polémiques sur sa politique.

Emile de Girardin, Gabriel Péri, Dominique Baudis… Leur point commun ? D’abord journalistes, tous s’engagèrent finalement en politique. L’un d’eux, Adolphe Thiers, devint même président de la République française, en 1871. Cent cinquante ans plus tard, pourtant, cette mutation interroge encore : Eric Zemmour a-t-il la stature d’un président ? En outre, un polémiste peut-il endosser le costume d’un chef d’État ? Pour Jean-Marie Le Pen, l’œil aux aguets porté sur sa « stature physique » et sur « son comportement de pré-candidat, Eric Zemmour ne serait pas « à la hauteur de la fonction présidentielle ». Revirement sentimental à la faveur de sa fille ou simple désillusion, le patriarche assure de toute façon : « J’avais prévu qu’Éric allait connaître un plafond. (…) Il n’est pas à la hauteur de l’événement. »

Apprécié pour ses prises de positions tranchées, son tempérament jusqu’au-boutiste et ses déclarations enflammées, Eric Zemmour ne se heurte plus seulement au mur du politiquement correct mais, désormais, à celui du politiquement crédible. Car peut-on raisonnablement bâtir un projet sur des polémiques ? A l’origine de cette interrogation ternie par de vives inquiétudes auprès de ses sympathisants : son passage au Bataclan pour la commémoration des attentats de 2015 et sa récente baisse de popularité dans les sondages. En inclinant maladroitement la tête sur la dépouille des 130 victimes, ce soir-là, Eric Zemmour aurait-il manqué de la perdre ? Outre les interprétations adverses, dans son propre camp, les réactions furent quasi unanimes : quite à improviser, fallait-il vraiment avertir la presse et se livrer à un question-réponse de 10 min pour seulement 30 secondes de recueillement ? Pour Éric Zemmour, il ne s’agit toutefois pas de récupération politique. Un peu plus tôt, à Bordeaux, le polémiste avait amorcé sa conférence par un hommage soutenu, suivi d’une minute de silence et de longs applaudissements. Alors, dérapage ou coup de comm’ ?

Faut-il sauver le sniper Zemmour ?

« La tournée du polémiste d’extrême droite a pris du plomb dans l’aile », commentent les journalistes. Pourtant, dans les rangs de Génération Z et aux abords de son QG de « pré-campagne », la mobilisation ne décroît pas. Mais la prudence règne : « Le meeting du 5 décembre, c’est l’événement qu’il fallait pour rassurer les gens et susciter une nouvelle vague d’enthousiasme. » En substance, après une ascension continue depuis la rentrée, Eric Zemmour serait aujourd’hui confronté à de premiers « patinages », selon les derniers sondages Odoxa et Elabe. Dans l’hypothèse d’un second tour face à Emmanuel Macron, il serait même estimé à 35%, soit – 4 points par rapport aux précédents sondages. Alors, pour raviver l’enthousiasme de ses sympathisants, plusieurs de ses proches le pousseraient à se déclarer au plus vite pour sortir, selon l’un d’eux, de « la spirale infernale ».

Autre point noir de cette dernière semaine, son retour devant la justice pour ses propos controversés à l’égard des mineurs isolés, tenus en septembre 2020, sur CNEWS. Mercredi, le parquet a donc requis 10 000 euros d’amende à son encontre, avec possibilité d’emprisonnement en cas de non-paiement. Selon le procureur Manon Adam, « les limites de la liberté d’expression ont été franchies ». Rester à déterminer où se situent ces limites.

Provocations, polémiques, maladresses… la communication du presque candidat à l’élection présidentielle semble parfois alourdir sa réputation. Car si Eric Zemmour peut se targuer de maîtriser le verbe et la répartie comme nul autre prétendant au siège élyséen, remuant consciemment la sphère médiatique, malmenant la notoriété de ses adversaires politiques et révélant un phénomène d’adhésion inattendue à ses idées jugées « dangereuses pour la démocratie » par Elisabeth Borne, il ne doit pas ignorer que le peuple français, dans sa légendaire bipolarité, attend avant tout un programme politique, radical et rassurant. Qu’une jeunesse se tient prête à redevenir la lumière du monde à condition d’être rebranchée à cet idéal français défendu par le polémiste, mais que certaines classes mijotent encore dans un doux et curieux mélange de docilité, de susceptibilité et d’amnésie, assistant confortablement aux joutes sans jamais y prendre part.

En 2017, Emmanuel Macron traversait victorieusement la cour du Louvre après avoir mené une campagne de communication ficelée, sans programme. Aujourd’hui, Eric Zemmour s’engage à bâtons rompus dans une campagne de polémiques et de corps à corps permanents, sans programme non plus. L’arène est ouverte. A suivre…

    L’exposé des faits et l’analyse de ceux-ci est un modèle du genre, le titre choisi pour ce remarquable article posant la question capitale à laquelle Éric Zemmour se devra de répondre dans les faits, ce dès qu’il aura troqué ses habits de journaliste-polémiste-écrivain pour le complet-cravate de candidat briguant la magistrature suprême.

    Faute pour lui de réussir ce passage, potentiellement périlleux, de l’une à l’autre, il est à craindre que le lapidaire « Il n’est pas à la hauteur de l’événement.” lancé par le vieux sage de Rueil-Malmaison ne s’avère exact.

    Sa venue au Bataclan, à l’occasion de la commémoration des attentats du 13 novembre 2015, est très symptomatique quant à la manière dont elle s’est déroulée. Il eût dû seulement se recueillir et en conséquence, s’abstenir d’engager un question-réponse avec la presse. Pour l’avoir fait, il a fourni des munitions à des adversaires qui espèrent le plus anodin faux pas de sa part pour lui tomber dessus davantage encore. Par ailleurs et comme tu le notes, il a jeté un certain trouble jusque dans son propre camp.

    Rien de rédhibitoire, mais Éric Zemmour, dont on ne dira jamais assez combien son entrée dans l’arène politique apporte un souffle et un espoir qui avaient abandonné beaucoup, doit prendre garde à ne pas s’aliéner définitivement ces classes mi-dociles, mi-susceptibles, mi-amnésiques…

    L’enjeu de la présidentielle est vital pour notre pays et à l’exception de Marine Le Pen, il en a infiniment plus conscience que tous les autres candidats réunis.
    Cela lui impose d’éliminer les scories qui de loin en loin, viennent parasiter son discours. S’il n’y met pas très vite bon ordre, il courra le risque de brûler ses vaisseaux.

    Soit que La France survit à tous ces soubresauts toxiques en votant pour Zemmour, soit qu’elle perdure dans une stagnation qui finira par l’achever. Premier pays arabe d’Europe, elle continuera sa descente aux enfers avant de disparaître définitivement. Ce ne sera plus qu’un ancien pays qui jadis…

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