S'il y a bien une chose que j'ai apprise sur moi au cours de ma très courte carrière de journaliste, c'est que je n'ai pas vraiment l'âme d'une éditorialiste. Pourtant, je dois bien me livrer au commentaire de cette longue et passionnante enquête que j'ai effectuée au sein de l'extrême gauche pendant six mois.
Finalement, c'est quoi un « MNA ? »
Cette histoire trouve ses prémices en avril 2023, lorsque j'ai appris que l'association pro-migrants Utopia 56 avait investi une école désaffectée dans le XVIe arrondissement pour y loger 250 « mineurs non-accompagnés » (MNA). En me documentant sur le sujet, je me rendais compte que personne ne savait vraiment ce qu'était un MNA. L'association et les militants d'extrême gauche soutenaient à cors et à cris qu'il s'agissait d'« enfants et d'adolescents » livrés à eux-mêmes par un État raciste. À droite, on affirmait que ces clandestins n'avaient de mineur que le nom.
Moi, je cherchais des faits et de l'exactitude, je ne voulais pas être contrainte de devoir adopter telle ou telle opinion sur la question par simple connivence idéologique avec un tel ou un tel. Et, surtout, j'étais curieuse, j'avais envie de bâtir mes propres certitudes en observant de mes yeux ce qu'il en était de l'autre côté du rideau.
Enrôlée sur un coup de tête
Je me suis donc enrôlée, sur un coup de tête, comme bénévole dans l'association Utopia 56, en ce mois d'avril 2023. Les deux mois qui ont suivi, j'ai fait le pied de grue des après-midis entiers pour recueillir des migrants clandestins dont la reconnaissance de minorité avait été refusée. J'ai participé à l'organisation de manifestations au cours desquelles des familles migrantes étaient contraintes de rester devant l'Hôtel de ville de Paris toute la nuit par les bénévoles d'Utopia, pour exiger la mise à disposition d'un hébergement d'urgence. J'ai compris que les militants utilisaient les clandestins comme un « moyen » de mener à bien leur agenda politique sans-frontiériste, en profitant de la situation de dépendance et d'attente de ces migrants à leur égard. Cette expérience m'a marquée.
Alors, lorsque notre directeur de la rédaction, Erik Tegnér, m'a suggéré de recommencer une telle infiltration ailleurs, j'ai sauté sur l'occasion. À partir de septembre, j'ai commencé un long travail de documentation et d'approche. Il fallait que j'identifie les collectifs précis que j'allais devoir infiltrer et que je prépare un plan d'action.
J'ai choisi des mouvements qui ont fait l'actualité sans pour autant être très connus du grand public comme les Soulèvements de la Terre ou Dernière Rénovation. L'objectif était de découvrir et de révéler leur fonctionnement, leurs méthodes et leurs cachotteries. Je me suis aussi intéressée à des groupuscules moins connus, qui agissent à couvert mais qui n'en sont pas moins actifs, comme les collectifs de sans-papiers, les mouvements autonomes violents ou encore les associations transgenristes et féministes.
Connaître pour commenter
Enfin, j'ai eu la chance d'enquêter longuement sur le collectif Urgence Palestine, créé après les massacres du 7 octobre et qui catalyse depuis la convergence des luttes entre islamistes, marxistes, féministes, écologistes et autres décoloniaux. Cette dernière immersion fut sans doute la plus instructive car elle m'a permis d'observer en toute liberté la façon dont des alliances se nouent, entre des groupes aux intérêts radicalement opposés, dans le seul but de mener un combat féroce contre l'Occident.
Mon travail fut long. J'ai vécu des moments intenses, certes, lors d'actions coup de poing auxquelles j'ai participé ou de voyages lointains, dans la ZAD de l'A69 par exemple. J'ai parfois eu peur, lorsque j'ai été confrontée à la violence de quelques militants radicalisés. Mais j'ai aussi dû m'armer de patience pour participer à de nombreuses et longues réunions dans le but d'acquérir une connaissance fine et précise des mouvements d'extrême gauche que j'infiltrais ainsi que de leurs membres. Aussi, je n'espère qu'une chose à l'issue de cette enquête : avoir réussi à être la plus factuelle possible et à réunir des informations utiles et précises, qui permettront aux éditorialistes de talent d'en tirer des conclusions nécessaires, en toute connaissance de cause.
À lire aussi : [ÉDITO] Erik Tegnér : Brûler ses vaisseaux
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6 commentaires
Félicitation ! grâce à votre boulot j’ai pu prendre connaissance du mal qui gangrène notre Pays
Je découvre et je suis époustouflée aussi bien par la situation que je soupçonnais que par la qualité des journalistes.
Bravo !