Mercredi 7 février
Me voilà tout près du siège de la Confédération nationale du travail (CNT), dans le XXᵉ arrondissement. Ce syndicat révolutionnaire qui souhaite l'abolition des classes, l'émancipation des travailleurs et la régularisation de tous les sans-papiers, héberge des collectifs pro-Palestine. Je suis en retard et me dépêche pour assister à la réunion publique du comité d'arrondissement d'Urgence Palestine. J'entre dans l'allée bordée de deux bâtiments aux murs peints en rouge et aux fenêtres noires. J'ai de la chance : tout le monde n'est pas encore arrivé dans le petit hangar qui sert de local, et je m'installe au second rang.
Devant moi, une blonde imposante accompagnée de deux hommes s’assoit pour assister à la présentation. Il s'agit de Danielle Simonnet, députée insoumise de la XVe circonscription de Paris. La salle est rapidement comble et quatre présentateurs rejoignent l'estrade sur laquelle une table ornée d'un drapeau palestinien grand format a été installée. Derrière eux, une banderole blanche s'étend sur toute la largeur du mur et arbore le message : « Résistance antisioniste et anti-colonialiste ».
Aux côtés des trois autres présentateurs, je reconnais Mériem. Je l'ai rencontrée dans un collectif de sans-papiers au sein duquel elle est très impliquée. C'est elle qui m'a fait part de cette réunion, m'expliquant qu'elle avait été choisie par ses camarades pour intervenir sur le lien entre la loi immigration et le conflit au Proche-Orient car elle est « racisée » (c'est-à-dire, non-blanche).
« Urgence Palestine est un collectif qui rassemble des citoyens, des associations, des mouvements, mobilisés pour la Palestine et son autodétermination », entonne Rima, une jeune femme brune, pour débuter la réunion. La militante palestinienne explique par la suite que le collectif est composé de sections locales, qui jouissent d'une « grande décentralisation très agréable », et invite les participants à y adhérer.
Apologie du terrorisme du Hamas
C'est au tour de Mériem de prendre la parole pour défendre le lien entre la lutte pour la Palestine et celle contre la loi Darmanin. « Il n'y a pas de loi sur l'immigration qui soit acceptable, une loi sur l'immigration est forcément raciste », défend la quadragénaire aux cheveux noirs coupés à la garçonne en rajustant ses lunettes. Selon la militante, la nouvelle loi relative à l'immigration est non seulement « raciste » mais aussi « islamophobe » : elle enjoint en effet les migrants à « respecter les principes de la République ». Son analyse lui vaut un tonnerre d'applaudissements dans la salle.
Mériem passe sans transition à la question palestinienne : « Pour moi, comme pour beaucoup de musulmans, pour pas dire la majorité, le 7 octobre a été la résistance en action », poursuit-elle avec une allégresse effrayante au sujet des massacres commis par le Hamas. La militante compare aussi l'attaque du groupe terroriste au « 1ᵉʳ novembre 1954 », la Toussaint rouge qui a signé le début de la guerre d'indépendance algérienne.
Pour Mériem, le lien entre la guerre au Proche-Orient et la politique française en matière d'immigration est limpide : « Le racisme tue, le colonialisme tue, le fascisme tue, ce système colonialiste tue », scande-t-elle en haussant le ton. Elle conclut finalement : « La résistance qui est menée par le peuple palestinien doit s'accompagner d'un soulèvement des pays arabes et nous avons un rôle à jouer contre notre gouvernement, ici en France ».
C'est désormais au tour du public de prendre la parole. Un jeune homme, membre de « Samidoun Paris-banlieue » – collectif qui se définit comme « réseau international de solidarité avec les prisonniers palestiniens » et qui est accusé par Israël d'être le prête-nom du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) à l’étranger – prend la parole.
« Notre rôle est de venir en aide de manière concrète à la résistance palestinienne », affirme le militant. Il préconise pour ce faire d'« inverser le récit en reconnaissant la légitimité de la résistance palestinienne sous toutes les formes qu'elle prendra », recueillant immédiatement l'adhésion bruyante de la salle. Pour un autre intervenant, aide-soignant de l'hôpital Tenon, « l'angle dominant mis en avant dans le récit, c'est la lutte contre le terrorisme, à Gaza et… également ici. Et des gens s'identifient par ce prisme, c'est ce qu'il faut déconstruire ».
Petit marché électoral des insoum
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